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l’Angleterre donne maintenant elle-même le droit de douter de sa générosité dans l’affaire des Iles-Ioniennes. Les conditions définitives qu’elle a mises, après que tout semblait terminé, à l’union des sept îles à la Grèce sont telles qu’on peut voir dans cet événement, et pour le royaume hellénique et pour les îles elles-mêmes, un fardeau et une humiliation qui en diminuent notablement les avantages.

On a publié les dispositions du traité conclu le 14 novembre 1863 à Londres entre les puissances signataires de l’acte du 9 novembre 1815. Ces dispositions ont été réglées par l’Angleterre et l’Autriche principalement en vue de leurs intérêts et de leurs avantages personnels, sans que les autres gouvernemens s’en soient suffisamment préoccupés. Le traité du 14 novembre commence par stipuler la démolition des forteresses de Corfou ; mais les forteresses que l’on détruit ainsi sans consulter les Ioniens, et même contrairement au vote formel du parlement de Corfou, n’étaient pas la propriété de l’Angleterre : c’était, d’après les termes précis du traité de 1815, celle de la république ionienne. Il n’était donc pas, suivant les principes du droit public, permis d’en disposer sans un accord avec cette république. L’Angleterre objecte, il est vrai, qu’une portion des ouvrages de Corfou, ceux de recueil du Vido par exemple, ont été construits depuis l’établissement du protectorat. Ces ouvrages n’étaient point pour cela propriété de l’Angleterre, puisqu’ils étaient sur territoire ionien et construits avec l’argent des sept îles, lesquelles payaient annuellement 25,000 livres sterling pour cet objet. Les nouvelles fortifications avaient en outre absorbé, sous l’administration de sir Howard Douglas, 80,000 livres demeurées en caisse du temps des Français, et les 208,700 livres dont les Iles-Ioniennes, en s’unissant à la Grèce, demeurent débitrices envers l’Angleterre ont eu pour origine ces mêmes dépenses. Donc, en abattant les ouvrages créés depuis 1815, on détruit, sans le consentement de l’état ionien, et sans lui donner ni indemnité ni compensation, une propriété qui lui a coûté 1,398,700 livres sterling. Or le droit de propriété des Iles-Ioniennes sur les fortifications de Corfou devait être d’autant plus sacré qu’en abandonnant son protectorat l’Angleterre était tenue, d’après les traités, à faire à ces îles deux restitutions, dont l’une au moins était devenue impossible. En quittant Corfou dans le mois de mai 1814, le général Donzelot avait remis à la république ionienne, conformément à ce qui avait été stipulé à Paris, tout le matériel de la place, plusieurs centaines de canons de bronze et d’immenses approvisionnemens, dont l’Angleterre n’avait reçu que l’usufruit avec le droit de garnison, mais dont la république protégée demeurait propriétaire. En abandonnant