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faudra certainement pas dix ans d’union pour qu’elle reprenne le rang qu’elle a perdu.

Jusqu’ici, nous ne sommes pas sortis des faits généraux, communs à toutes les parties de l’état ionien : que serait-ce si nous abordions l’examen des intérêts spéciaux à chaque île ? Prenons comme exemple le commerce du raisin de Corinthe, question vitale pour Zante et pour Céphalonie. L’état de ce commerce sous les institutions établies par l’Angleterre dans les Iles-Ioniennes était tel que les deux grandes îles méridionales, Zante surtout, eussent infailliblement été ruinées, si elles n’avaient réussi à être comprises avec la Grèce dans un même corps politique et soumises au même régime douanier. Les choses en étaient venues à ce point que dans la production de la passoline, qui est la principale et presque l’unique récolte de Zante et de Céphalonie, l’agriculteur arrivait à peine à couvrir ses frais et souvent se trouvait en arrière. Lorsque l’union aura été accomplie, le droit de 19 1/2 pour 100 ad valorem sur l’exportation, qui flotte dans les années d’abondance entre 25 et 28 francs pour les mille livres, mais qui, lorsque les prix s’élèvent, va jusqu’à 90 et 100 francs, sera remplacé par un droit fixe de 18 francs ; les négociations avec les acheteurs venus de l’étranger se feront librement, tandis qu’aujourd’hui le producteur est forcé d’apporter son raisin dans des magasins du gouvernement appelés serragli, où on lui impose de nouveaux droits de garde et d’emmagasinage, et où les négociations se font obligatoirement. Rentré ainsi dans les conditions où il se fait en Grèce, le commerce des raisins de Corinthe, qui est une source de richesse pour les provinces orientales de la Morée, deviendra également fructueux pour l’agriculteur ionien. Il arrivera même inévitablement que, la ligne de douane n’existant plus entre Zante et le Péloponèse, les produits de l’Élide, de la Triphylie et de la Messénie trouveront avantage, par suite de la plus courte distance, à se concentrer dans le port de cette île, au lieu d’aller jusqu’à Patras. Zante deviendra donc pour le commerce du raisin de Corinthe, qui représente un mouvement annuel d’environ 12 millions, un centre d’affaires aussi important que Patras, au grand bénéfice des producteurs du pays, qui profiteront de l’accroissement des opérations, tandis qu’aujourd’hui les acheteurs s’adressent à eux seulement quand la récolte de la Grèce est déjà épuisée et quand les prix ont commencé à baisser.

Si l’avantage d’être compris dans un même état et dans un même système douanier que la Grèce sera tel pour Zante et pour Céphalonie, que ne sera-t-il pas pour Cérigo, qui ne trouve à écouler ses produits agricoles qu’en les transportant à Calamata, sur la côte du Péloponèse, et pour Sainte-Maure, qui n’est en réalité qu’un district