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« Décrète :

« Les îles de Corfou, Céphalonie, Zante, Sainte-Maure, Ithaque, Cérigo et Paxo, avec toutes leurs dépendances, sont unies au royaume de Grèce, afin d’en former à toujours partie inséparable en un seul et indivisible état, sous le sceptre constitutionnel de sa majesté le roi des Hellènes George Ier et de ses successeurs. »


La réponse au message du lord haut-commissaire se faisait remarquer, comme le décret même, par la fierté du langage. Elle exprimait des remercîmens au gouvernement anglais pour la générosité avec laquelle il renonçait à son protectorat ; mais c’étaient des remercîmens d’hommes libres qui, après avoir longtemps et vaillamment combattu, voient couronner leurs efforts. Le parlement corfiote rattachait soigneusement son décret aux décisions des chambres antérieures, dont l’Angleterre n’avait point voulu admettre le caractère légal ; il insistait pour que l’union fût immédiate et complète ; enfin il terminait par une phrase qui, sous une forme respectueuse et reconnaissante, contenait le démenti le plus formel à la politique de statu quo territorial que l’Angleterre voulait imposer pour jamais à la Grèce en échange de sa bienveillance : « Veuille l’Europe chrétienne, appréciant les services que la nation grecque a rendus et est appelée à rendre encore à l’humanité, compléter l’œuvre qu’elle a si généreusement commencée, en concourant à la reconstitution complète et définitive de cette nation dans l’intérêt de la civilisation et pour l’entier accomplissement des desseins du Très-Haut ! »

À midi, l’assemblée se mit en marche pour présenter ces deux actes au lord haut-commissaire, qui l’attendait au palais des Saints-Michel-et-George. Le peuple de la ville était rangé dans le plus grand ordre devant le palais, avec les habitans des paroisses rurales voisines, tous précédés de grandes bannières grecques à la croix blanche sur champ d’azur et conduits par leurs papas. L’aspect qu’offrait en ce moment l’esplanade de Corfou était on ne peut plus saisissant. Que l’on se figure cette belle esplanade, presque grande comme notre Champ-de-Mars, création de l’administration militaire française et du général Donzelot. Entre la Citadelle-Vieille, posée comme une aire d’aigle sur un rocher à pic, et la ville avec ses hautes maisons à arcades, derrière lesquelles on aperçoit les cimes du mont Pantocrator, elle déploie ses belles allées de platanes et d’ormes, d’un côté jusqu’à la terrasse d’où la vue s’étend sur les flots azurés de l’Adriatique et sur les côtes de l’île chargées d’oliviers séculaires, au milieu desquels sont épars de blancs villages, de l’autre vers le palais des représentai britanniques, construction d’un style sévère, mais pur, derrière laquelle apparaissent les âpres montagnes de l’Albanie, les monts Acrocérauniens