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immense machine. Le règlement portait que le vote pour l’élection des députés se ferait au chef-lieu du bailliage ou de la sénéchaussée ; les trois ordres y étaient convoqués pour le même jour. La noblesse, la moins nombreuse, devait comparaître tout entière, chacun de ses membres ayant à exercer un droit personnel. Le clergé, plus nombreux, comparaissait en partie en personne et en partie par délégués, les évêques et les autres bénéficiers devant voter eux-mêmes ou par procureur, les membres des chapitres et des communautés religieuses et les curés non pourvus de bénéfices par des représentans élus. Enfin le tiers-état, le plus nombreux de beaucoup, ne devait envoyer que des délégués, et même des délégués de délégués.

Pour faciliter les opérations, on établit dans les bailliages et sénéchaussées qui avaient trop d’étendue des subdivisions destinées à former une sorte de premier degré : on les appela bailliages ou sénéchaussées secondaires. Ces subdivisions ne devaient servir que pour le tiers-état. Était électeur pour le tiers-état tout Français âgé de vingt-cinq ans, domicilié et inscrit au rôle des contributions. C’était à peu près, comme on voit, le suffrage universel. Le nombre des électeurs atteignit de cinq à six millions, ou le cinquième environ de la population totale ; il est aujourd’hui du quart. Les électeurs étaient convoqués dans les campagnes par paroisses et dans les villes par corporations, afin d’élire un délégué sur cent. Les délégués devaient se réunir au chef-lieu du bailliage ou de la sénéchaussée secondaire pour se réduire au quart d’entre eux. Ces réductions successives avaient paru nécessaires pour éviter des déplacemens plus difficiles alors qu’aujourd’hui. Nous avons eu depuis 1789 bien des systèmes électoraux ; celui-là est resté un des meilleurs, abstraction faite de la distinction des ordres, qui n’était pas donnée par le règlement, mais par l’histoire.

Les formalités préliminaires terminées, les trois ordres se réunissaient au chef-lieu du bailliage ou de la sénéchaussée pour procéder à l’élection des députés. Ce fut un spectacle imposant que ces assemblées des trois ordres dans les villes désignées pour servir de théâtre à l’élection ; il y en eut en tout 175, sans compter le Dauphiné, qui refusa de se laisser fractionner, et sans tenir compte des bailliages et sénéchaussées secondaires. Sur un petit nombre de points, les trois ordres se réunirent pour voter ensemble ; en général, chaque ordre nomma ses députés à part. Il s’éleva sans doute bien des difficultés de détail, bien des réclamations plus ou moins justifiées ; mais en définitive toute la France vota, à l’exception de la noblesse de Bretagne, et il en sortit une assemblée de 1,214 membres, 308 pour le clergé, 286 pour la noblesse et 620 pour le tiers-état.

Ces élections durèrent près de quatre mois. La première des lettres royales de convocation est datée du 7 février 1789 et adressée au grand-bailli d’Alsace ; la dernière, au magistrat principal du pays des quatre vallées, ne partit que le 3 mai. Les élections de Paris se prolongèrent jusqu’à