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donc impossible d’admettre que si la royauté avait ordonné la réunion des ordres et le vote en commun, elle eût prévenu la révolution. Elle l’aurait au contraire précipitée, car cette minorité violente, qui ne pouvait se satisfaire que par la république, y aurait puisé de nouvelles forces. Puisque cette sage transaction n’a pas réussi, rien ne pouvait réussir.

Après le rapport au roi et le résultat du conseil du 27 décembre 1788 vinrent les lettres royales de convocation et le règlement général pour les élections du 24 janvier 1789. M. Chassin rend hommage aux lettres royales, et il faudrait être en effet bien injuste pour rester insensible à ce noble et touchant langage. « Nous avons besoin, disait le roi, du concours de nos sujets pour nous aider à surmonter toutes les difficultés où nous nous trouvons relativement à l’état de nos finances, et pour établir, suivant nos vœux, un ordre constant et invariable dans toutes les parties du gouvernement qui intéressent le bonheur de nos sujets et la prospérité de notre royaume. Ces grands motifs nous ont déterminé à convoquer l’assemblée des états de toutes les provinces de notre obéissance, tant pour nous conseiller et nous assister dans toutes les choses qui seront mises sous ses yeux que pour nous faire connaître les souhaits et les doléances de nos peuples, de manière que, par une mutuelle confiance et par un amour réciproque entre le souverain et les sujets, il soit apporté le plus promptement possible un remède aux maux de l’état, et que les abus de tout genre soient réformés et prévenus par de bons et solides moyens qui assurent la félicité publique, et qui nous rendent, à nous particulièrement, le calme et la tranquillité dont nous sommes privé depuis si longtemps. »

Louis XVI régnait depuis près de quinze ans, et à part les succès de la guerre d’Amérique il n’avait eu que des embarras et des chagrins. « Vous êtes plus heureux que moi, disait-il à un de ses ministres, vous pouvez abdiquer. » Le ton de ces lettres était presque celui d’une abdication ; le mot de constitution n’y était pas prononcé, mais l’idée paraissait à toutes les lignes. L’héritier de Louis XIV se mettait entre les mains des états-généraux, « les assurant que, de notre part, ils trouveront toute bonne volonté et affection pour maintenir et faire exécuter tout ce qui aura été convenu entre nous et lesdits états, soit relativement aux impôts qu’ils auraient consentis, soit pour l’établissement d’une règle constante dans toutes les parties de l’administration, leur promettant de demander et d’écouter favorablement leur avis sur tout ce qui peut intéresser le bien de nos peuples et de pourvoir sur les doléances et propositions qu’ils auront faites, de telle manière que notre royaume et tous nos sujets en particulier ressentent pour toujours les effets salutaires qu’ils doivent attendre d’une telle et si noble assemblée. »

La critique de M. Chassin s’exerce principalement sur le règlement pour les élections. Ce document n’a pas moins de cinquante-deux articles, et ce n’était pas trop pour régler une matière aussi difficile dans un royaume de 27 millions d’âmes, qui n’avait pas eu d’états-généraux depuis cent