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désirent de délibérer en commun. Une telle disposition, ou toute autre du même genre, quoique nécessitée pour le bien de l’état, serait peut-être sans effet, si les représentans des communes ne composaient pas la moitié de la représentation nationale. »

Les représentans des communes, la moitié de la représentation nationale, ces mots contiennent toute la théorie des deux chambres. M. Chassin vante beaucoup, et non sans raison, l’attitude prise en 1788 par les états du Dauphiné ; mais le Dauphiné, qui pratiquait dans ses propres états la réunion des ordres et les vote par tête, suivant l’exemple donné par le roi dans la constitution des assemblées provinciales[1], ne demanda pas qu’il en fût de même dans les états-généraux. Le principal auteur des délibérations de Vizille et de Romans, Mounier, était au contraire un des partisans les plus déclarés du système des deux chambres ; il le développa dans un écrit qui parut avant l’ouverture des états-généraux.

Le reste du rapport de Necker n’est pas moins remarquable en ce qu’il annonce l’abandon par les deux premiers ordres de tout privilège pécuniaire et le retour périodique des états-généraux. « On ne peut douter, y est-il dit, qu’à l’époque où la répartition sera égale entre tous les ordres, à l’époque où seront abolies ces dénominations de tributs qui rappellent à chaque instant au tiers-état son infériorité et l’insultent inutilement, à cette heureuse époque enfin, si juste et si désirable, il n’y aura plus qu’un vœu commun entre tous les habitant de la France. » Et un peu plus loin : « non-seulement, sire ; vous voulez ratifier : la promesse que vous avez faite de ne mettre aucun nouvel impôt sans le consentement des états-généraux de votre royaume, mais vous voulez encore n’en proroger aucun sans cette condition. Vous voulez de plus assurer le retour successif des états-génénéraux, en les consultant sur l’intervalle qu’il faudrait mettre entre les époques de leur convocation, et en écoutant favorablement les représentations qui vous seront faites pour donner de la stabilité à ces dispositions… Vptre majesté se propose d’aller au-devant du vœu bien légitime de ses sujets en invitant les états-généraux à examiner eux-mêmes la grande question qui s’est élevée sur les lettres de cachet. C’est par ce même principe que votre majesté est impatiente de recevoir les avis des états-généraux sur la mesure de liberté qu’il convient d’accorder à la presse. »

Toutes les réformes légitimes se trouvaient dans ce programme. Il m’est

  1. M. Chassin n’attache pas la même importance que moi à l’essai des assemblée provinciales. Cela devait être, et je n’en sois nullement surpris ; mais il ajoute que l’immense majorité des Français, ecclésiastiques, nobles et plébéiens, protesta dans les cahiers de 1789 contre cette institution insuffisante et même nuisible. Je ne veux répondre à cette assertion que par M. Chassin lui-même. Après ce qu’il vient de dire page 19, voici ce qu’il dit page 91 : « Les délibérations des ordres et des villes et les cahiers prouvent que l’immense, majorité du peuple français aurait accepté avec la plus vive reconnaissance des états provinciaux sur le modèle des états dauphinois. » Or le Dauphiné n’avait apporté à l’institution des assemblées provinciales que des modifications sans gravité réelle et qui avaient été approuvées par le roi.