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la France, — l’Angleterre vient de le voir avec une humiliation qu’elle ressent profondément, — le gouvernement anglais ne peut rien sur le continent pour une cause juste. Nous espérons que l’Angleterre comprendra la leçon que lui donnent les événemens actuels ; mais cet enseignement ne produirait pas toutes les heureuses conséquences qu’on en peut attendre, si la France, pour son compte aussi, n’en savait point faire son profit ; Si l’action de l’Angleterre est bien embarrassée quand l’assistance de la France lui manque, sachons convenir à notre tour que nous nous trouvons fort empêchés dans la conduite des grandes affaires que nous avons à cœur lorsque le concours anglais nous fait défaut. Sachons reconnaître des deux côtés du détroit que l’alliance sincère des deux nations aide au prestige : de chacune d’elles, et peut seule leur permettre de préserver l’Europe des troubles qui la menacent et des excès qui l’affligent et l’inquiètent. L’occasion et le devoir de rétablir l’active alliance de la France et de l’Angleterre s’imposent aux gouvernemens des deux pays. Qu’on se hâte, et il sera peut-être temps encore de prévenir la catastrophe qui menace le Danemark et de contenir les injustes prétentions de la confédération germanique par la seule influence morale de l’alliance occidentale.

Les affaires du Danemark ont été depuis quinze jours la préoccupation exclusive du public. L’invasion du Slesvig a donné une teinte morne au début de la session anglaise. Rarement l’ouverture du parlement a été aussi sombre. L’échec visible éprouvé par la politique anglaise a répandu une sorte d’embarras sur l’opposition aussi bien que sur le parti du gouvernement. Dans une telle situation, le tour ironique et les sarcasmes qu’aime l’éloquence anglaise étaient déplacés ; ceux que se sont permis quelques orateurs paraissaient atteindre et blesser l’honneur britannique, et produisaient une sensation douloureuse. Les Anglais ont trop répété depuis quelque temps, en les variant à leur mode, les vieilles formules : la paix quand même, la paix partout et toujours ! Ils sentent que cette exagération leur a coûté cher, et ils se trouvent un peu aujourd’hui dans la situation d’un homme du monde qui aurait besoin, pour reprendre son aplomb dans l’opinion, d’avoir une affaire. Nous serions surpris, s’ils ne saisissaient pas la première occasion venue pour montrer qu’ils ne sont point pacifiques jusqu’à l’impénitence finale.

En Belgique, l’imbroglio de la crise ministérielle a eu un dénoûment aussi singulier que la crise elle-même : Le parti catholique a décidément refusé le pouvoir qui lui était offert. D’un autre côté, le roi n’a pu réussir à former un cabinet simplement administratif. Le roi a été obligé de s’adresser aux ministres démissionnaires pour les prier de rester au pouvoir. C’est bien contre leur gré que les ministres se sont rendus au vœu du roi ; mais enfin on ne pouvait pas mettre la clé sous la porte des hôtels ministériels et laisser le pays sans gouvernement. L’heureux pays que celui où personne ne veut être ministre ! Le cabinet reste donc, mais à la condition expresse que sa démission n’est point retirée, qu’elle persiste, qu’elle est permanente.