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sécurité accrues par une commune alliance, ne voulussent point regarder un fait matériellement si petit comme valant une grande guerre. Dans ce cas, la paix matérielle ne serait point troublée pour le moment ; mais ce fait de l’agrandissement de la confédération germanique par la violence et par la conquête laisserait dans la politique de l’Europe un précédent dont les conséquences apparaîtraient à la première occasion. Un nouveau désordre moral serait porté au compte de l’avenir, où s’accumulent l’influence des mauvais exemples, la réaction inévitable des représailles, les redressemens attendus et les ambitions refoulées.

Nous redoutons moins la dernière hypothèse, celle qui admettrait les prétendus titres du duc d’Augustenbourg à la succession des duchés. Ici nous avons pour garantie les rivalités naturelles qui divisent la confédération. Le duc Frédéric d’Augustenbourg est le candidat des petits états. L’Autriche et la Prusse, qui se sont engagées en 1852 contre le premier prétendant de cette maison, M. de Bismark, qui se chargea comme intermédiaire de négocier la renonciation du duc d’Augustenbourg, le père du prétendant actuel, à ses droits moyennant une indemnité de 10 millions de francs, ne voudront pas, suivant toute apparence, recevoir la loi des petits états ; mais si dans cette question des duchés les aspirations des petits états et du parti national sont déjouées par la politique des grandes cours, l’avortement de tant d’espérances et de tant d’intrigues laissera au sein de la confédération des ressentimens, des discordes, des troubles, parmi lesquels l’Autriche et la Prusse rencontreront peut-être la première punition de la politique querelleuse, aventureuse et violente qu’elles ont suivie contre le faible Danemark.

Où faut-il chercher la fin de la crise dano-allemande ? A quel principe, faut-il demander la solution de ce nouveau problème ? Des esprits naïfs pensent que l’on peut régler au moyen du principe des nationalités ce conflit, où ils ne voient en présence que des Allemands et des Scandinaves, qu’il s’agit de partager sous la sanction du suffrage universel. Le principe des nationalités n’est point d’une application aussi simple qu’on se le figure de nos jours. Ici la question de nationalité n’est en jeu que sur un terrain bien limité. La question n’est point applicable au Holstein et au Lauenbourg, qui, appartenant à la confédération, n’ont rien à souffrir dans leurs droits de races. La question est plus compliquée dans le Slesvig : elle est dominée par un droit de possession immémoriale, le Slesvig ayant toujours été au moyen âge un fief relevant du Danemark ; elle est contre-balancée par un intérêt qui a, lui aussi, une importance vitale dans la configuration, l’indépendance, et la sécurité des états, — l’intérêt d’une frontière naturelle. D’ailleurs la séparation du groupe danois et du groupe allemand n’est point aussi nettement indiquée qu’on se l’imagine ; le tiers à peu près des paroisses du Slesvig contient une population mixte : comment en faire le partage ? Croit-on que l’autorité du suffrage universel comme indi-