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partie ne devait être subordonnée à une autre. » Les procéduriers de Francfort soutenaient que dans la représentation centrale, pour qu’aucune partie ne fût subordonnée aux autres, chaque partie devait avoir un nombre égal de représentans. Une conséquence de cette prétention était que le duché de Lauenbourg, qui n’a que cinquante mille habitans, eût dans le parlement central autant de voix que le Danemark proprement dit. La conséquence la plus choquante eût été que les Danois n’eussent plus eu dans l’assemblée appelée à diriger les affaires générales du royaume que le quart des voix, et que l’élément germanique, si inférieur par le nombre, fût devenu en réalité le maître de la politique danoise. En parlant en 1851 de donner aux diverses parties de la monarchie une égalité qui empêchât que les unes fussent subordonnées aux autres, on ne pouvait avoir eu loyalement en vue un résultat semblable à celui que réclamait la bizarre interprétation de la diète ; il n’avait été question évidemment que d’égalité de traitement, d’égalité de charges, et de cette égalité dans la représentation qui s’établit proportionnellement aux groupes de population représentés. Le cabinet de Copenhague ne voulut point céder à une prétention non moins absurde qu’injuste. La diète somma le Danemark, sous peine d’exécution, d’abroger la constitution de 1855 dans les territoires fédéraux. Le Danemark résista encore ; mais, cédant aux conseils des grandes puissances, qui voulaient prévenir un conflit, il finit, en novembre 1858, par révoquer la constitution en tant qu’elle s’appliquait au Holstein et au Lauenbourg. L’Allemagne ne tarda point à trouver cette concession insuffisante ; elle pressa le Danemark de travailler à une nouvelle constitution commune qui serait applicable au Holstein et au Lauenbourg. les Danois se mirent encore une fois de bon cœur à l’œuvre ; ils essayèrent à maintes reprises d’obtenir l’adhésion dés états holsteinois à une constitution représentative normale de la monarchie ; ils leur offrirent la charte la plus libérale du monde, avec les libertés illimitées de la presse et d’association, avec les garanties les plus absolues pour la liberté individuelle, avec la responsabilité des fonctionnaires devant les tribunaux ordinaires : toutes ces offres échouèrent contre l’invincible entêtement germanique. On venait toujours se heurter contre cette exigence absolue que l’on retrouve encore en 1861 dans les dépêches du ministre de Prusse, M. de Bernstorf : « il faut que le principe existant de la représentation proportionnellement à la population soit aboli ; il faut que les quatre portions de la monarchie, à savoir le royaume, le duché de Slesvig, le Holstein et le Lauenbourg, soient sur le pied d’une parfaite égalité. » En d’autres termes, il faut que deux millions de Danois soient gouvernés par huit cent mille Allemands. Fatigués de cette opiniâtreté et d’une bizarrerie d’argumentation qui avait l’air d’une mauvaise foi systématique, les Danois à la fin s’écrièrent : Puisque le Holstein et le Lauenbourg ne veulent point se gouverner conjointement avec nous, qu’ils se gouvernent tout seuls ! qu’ils fassent ce qu’ils voudront et nous laissent tranquilles ! — C’est ce que disait, dans les formes techniques du langage offi-