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s’opposer en aucune façon aux mesures prises ou à prendre relativement à l’ordre de succession pour tous les pays actuellement réunis sous le sceptre royal. L’article 5 stipulait que le roi Frédéric VII ferait remettre au duc, comme indemnité, « un million cinq cent mille doubles rixdales, » un premier paiement devant avoir lieu à la Saint-Nicolas 1852, un second à la Saint-Jean, etc. Rien n’y manque, et le contrat est en bonne forme. De plus le roi de Danemark se chargeait des dettes contractées par les ancêtres du duc d’Augustenbourg ou par lui-même. Toutes ces sommes consenties et payées, quelques années s’écoulent, et le même duc qui naguère a signé cette renonciation et donné quittance transmet à son fils le duc Frédéric d’Augustenbourg, le lendemain de la mort du roi dont il a obtenu son pardon et un tel contrat, les mêmes prétentions qu’il a si bien vendues. C’est le cas de dire avec la comédie : Hé ! rendez donc l’argent[1] !

Voilà pourtant avec quels faux titres le nouveau prétendant s’offre à l’Europe, en demandant qu’on démembre pour lui une monarchie souveraine et qu’on foule aux pieds un traité solennel. Ces titres, fussent-ils plus sérieux, ne sont-ils pas primés encore par beaucoup d’autres ? Annulez le traité de Londres : qu’importe ? Ce traité n’a été que la constatation et la reconnaissance par l’Europe des conventions très régulières qui avaient été faites auparavant. Comment M. le duc d’Augustenbourg et les petites cours allemandes, ses’ fidèles alliées, oublient-ils qu’alors même se présenteraient de nouveau, avant les prétentions qu’on veut faire valoir, les incontestables droits de la princesse Louise et ensuite ceux de l’empereur de Russie ?

En résumé, et quelques raisonnemens qu’on puisse opposer aux prétentions anti-danoises, où en sont aujourd’hui les perspectives de guerre, et à quelle distance est-on d’une telle extrémité ? Il est certain que le Danemark, et nous pouvons ajouter l’Europe, a tout à craindre de la passion qui possède en ce moment l’Allemagne. Tout un parti nombreux et d’une excessive ardeur répand des proclamations, ouvre des bureaux d’enrôlemens volontaires, organise des souscriptions, et demande à grands cris l’occupation immédiate des duchés par une force allemande quelconque. Ce parti a failli l’emporter dans la diète de Francfort, et la mesure qu’il a fait adopter aurait coupé court à tout espoir de conciliation ; mais il se compose

  1. D’après ce qui a transpiré en Allemagne des négociations récentes entre les cours de Berlin et de Vienne, on serait tombé d’accord sur la convenance qu’il y aurait à ce que le prétendant restituât les 3 millions de thalers au prix desquels son père a vendu les droits des Augustenbourg. Cela est fort bien ; mais le Danemark a le droit sans doute de refuser le remboursement.