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L’exécution pouvait alors ne pas être considérée comme un cas de guerre tant que, se bornant au Holstein, elle respectait la frontière méridionale du Slesvig, c’est-à-dire l’Eyder. Aujourd’hui il s’agirait, suivant les prétentions nationales en Allemagne, de reprendre au nom de la confédération ces duchés de Lauenbourg, de Holstein et même de Slesvig, dont le roi Christian IX réclamerait illégalement, dit-on, la souveraineté. Le parti national germanique n’entend reconnaître le successeur de Frédéric VII que comme roi du Danemark proprement dit, c’est-à-dire du Jutland et des îles, tandis que M. le duc d’Augustenbourg serait proclamé l’héritier direct et légal des duchés, qui se réuniraient pour former un état indépendant : on aurait de la sorte donné enfin un corps à ce rêve, à cette ombre fantastique d’un duché de Slesvig-Holstein que la famille d’Augustenbourg travaille depuis si longtemps à transformer en une réalité effective.

Le danger est d’autant plus grave que, des conventions internationales ayant prévu la situation actuelle et garanti à l’avance au nouveau roi la succession pleine et entière de Frédéric VII, la question sortirait désormais du cercle étroit des questions purement allemandes pour devenir une affaire européenne au premier chef. Une fois commencée, la guerre ne manquerait pas de s’étendre : on pouvait affirmer hier encore que la Suède interviendrait inévitablement comme auxiliaire du Danemark dès qu’un soldat allemand passerait l’Eyder, et rien n’autorise à croire que la politique du cabinet de Stockholm soit changée à l’égard du roi Christian IX. Tout au contraire la récente proposition adressée par le gouvernement suédois aux grandes puissances relativement aux conventions internationales destinées à prévenir la confusion actuelle, la demande d’un crédit extraordinaire adressée par ce même gouvernement à la diète, qui l’a voté avec ardeur et confiance, permettent de penser que le cabinet de Stockholm peut bien diriger en ce moment vers la frontière de l’Elbe la même attention inquiète qu’il portait naguère sur celle de l’Eyder ; le danger, en s’accroissant pour le Danemark, menace d’autant plus aujourd’hui une nationalité dont le royaume suédo-norvégien est après tout le représentant principal. D’autre part, les intérêts de la Russie, — ce que paraissent oublier les Allemands, — sont directement engagés dans la querelle de succession qu’on a eu l’imprudence ou l’audace de soulever ; la Russie serait donc obligée d’intervenir, ne fût-ce que pour sauvegarder ses droits. Qu’on mette en ligne sur cet échiquier les mesures belliqueuses que la Prusse, par toute sorte de motifs, ne manquerait pas de favoriser contre le Danemark, les sympathies incontestables de la Suède et de la Finlande pour les Polonais, les facilités offertes à ceux-ci par une diversion que la multiplicité de ses élémens rendrait puissante, et l’on reconnaîtra