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était celle d’un congrès, parce qu’à défaut d’une médiation commune des grandes puissances un congrès paraît le seul moyen désormais de terminer pacifiquement la querelle soulevée à propos de la constitution de la monarchie danoise ; sa seconde pensée était l’armement du Danevirke, cette fortification naturelle qui s’élève au nord de l’Eyder pour protéger le Slesvig contre les Allemands. Il y faisait dans ces derniers temps de fréquentes visites en vue de l’exécution fédérale qui devait s’accomplir en Holstein, bien qu’il ne la considérât point comme un sujet de guerre absolument inévitable. Il ne se doutait pas que la question de succession allait rendre aussitôt après lui le péril beaucoup plus imminent.

L’avènement de Christian IX, succédant le 16 novembre 1863 au dernier membre de la descendance mâle d’Oldenbourg, a été pour une partie de l’Allemagne, à la grande surprise du reste de l’Europe, l’occasion d’une effervescence mêlée de bruits de guerre pareils à ceux qui avaient retenti sur les bords de l’Elbe en 1848. À lire les protestations des petits états allemands, les motions précipitées de la Saxe, les interpellations soulevées dans les chambres de Berlin et de Vienne, les pamphlets du National Verein, les adresses de certaines réunions populaires, les propositions envoyées à la diète de Francfort, et par-dessus tout la protestation d’un prétendant qui porte un nom bien connu, M. le duc d’Augustenbourg, on s’est demandé avec surprise si en vérité la question des duchés dano-allemands allait mettre le feu à l’Europe. Qu’il y ait eu au premier moment toutes les apparences d’un danger réel, qui subsiste en partie, il serait inutile de se le dissimuler. La passion de l’Allemagne, après s’être élevée tout d’abord à une sorte de paroxysme, reste surexcitée au dernier point. Pour elle, les souvenirs de 1848, c’est-à-dire d’une double défaite, ou peu s’en faut, par les armes et la diplomatie, sont vivans encore ; son malaise intérieur, cause permanente d’inquiétude pour ceux de ses voisins qui sont faibles, n’a pas cessé ; on peut dire qu’il s’est augmenté au contraire, et il est telle grande puissance allemande qui peut bien avoir accueilli avec joie l’espérance de détourner au dehors soit l’agitation permanente de ses états, soit l’ardeur démocratique et unitaire qui tourmente toute la confédération. Si un entraînement immodéré avait fait passer dans les premiers jours la frontière des possessions danoises à un corps de troupes germaniques ou à de simples corps francs, comme ceux qui faisaient mine de se former à Hambourg et que la police de cette ville a eu la sagesse d’arrêter, la résistance de l’autre côté de l’Elbe se produisait immédiatement, et une guerre devenait inévitable.

Le danger subsiste, car il ne s’agit plus d’une simple exécution fédérale dans les mêmes conditions que du vivant de Frédéric VII.