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indifférent devant la peinture d’histoire ou la peinture religieuse, de plus en plus passionné pour les tableaux de genre, elle serait redressée tôt ou tard par l’école de sculpture. Mais d’où la sculpture tire-t-elle sa force et sa vitalité féconde, si ce n’est du séjour de Rome, de la contemplation des marbres antiques, de l’étude intelligente de la renaissance, des travaux savamment gradués de la villa Médicis ? Qu’on dresse une liste des sculpteurs distingués qui n’ont point été à Rome, et qu’on la rapproche de celle que je viens de présenter ; on trouvera des personnalités brillantes, mais non un ensemble aussi imposant. Et je n’ai cité ni toutes les sculptures monumentales, ni les innombrables bas-reliefs, ni les figures décoratives, ni les statues de grands hommes que commandent à l’envi toutes les villes de nos provinces, ni ces admirables copies en marbre faites dans les musées de Rome et de Florence, qui ornent le palais de l’École des Beaux-Arts et d’autres édifices ! Je ne sais si je suis aveuglé par l’amour-propre national, mais il me semble que jamais la sculpture française n’a tenu un rang aussi élevé en Europe depuis le siècle de Jean Goujon et le siècle de Puget : ce rang, c’est l’école de Rome qui le lui a conquis.

Je ne puis me défendre d’un sentiment semblable lorsque je considère la série de nos architectes romains. À leur tête se place Huyot (prix de 1807), qui a travaillé à l’achèvement de l’arc de triomphe de l’Étoile, que Blouet devait couronner ; Huyot, le plus grand, le plus vénéré des professeurs, dont l’autorité égalait la science, le maître dans la belle acception de ce mot. Sa restauration du temple de la Fortune à Préneste, son Plan de Rome, ses plans tant admirés, mais non exécutés, du Palais de Justice, les dessins magnifiques qu’il avait rapportés de l’Asie-Mineure et de tout le Levant sont des titres de gloire. Garnaud (prix de 1817) s’est signalé à son tour par l’énergie et la jeunesse inépuisables de son imagination. Ses compositions colossales, où le centre de Paris était refait, les Tuileries transformées, le Louvre terminé, ont frappé tous les artistes, tandis que sa suite de projets d’église, depuis la paroisse rurale jusqu’à la métropole du monde catholique, ont intéressé tous les architectes. Blouet (1821) appartient à cette école de dessinateurs et de théoriciens qui ont agi fortement sur l’esprit de la jeunesse : professeur éminent, il a complété le grand traité de Rondelet, publié sur les prisons un ouvrage plein de documens nouveaux d’une application pratique. Cependant son gage d’immortalité, c’est l’Expédition scientifique de Morée, œuvre nationale qui a gravé le nom de la France sur les plus belles ruines de la Grèce, et qui a surpassé les publications du même genre entreprises par les architectes anglais. Lesueur (prix de 1819) est encore un archéologue