Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/920

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L'ECOLE DE ROME
AU DIX-NEUVIEME SIECLE

S’il est une institution que l’Europe nous envie, parce qu’elle est libérale, féconde, glorieuse, c’est l’Académie de France établie à Rome dans le palais des Médicis. Les autres peuples se procurent aussi bien que nous des canons rayés, des frégates cuirassées et des constitutions ; mais aucun pays n’a osé encore imiter la générosité de la France, qui envoie chaque année à Rome l’élite de ses jeunes artistes, leur offrant pour cinq ans l’indépendance, le commerce des chefs-d’œuvre, le ciel inspirateur de l’Italie, le temps de se révéler à eux-mêmes, l’émulation de la vie commune, des traditions fortifiées par deux cents ans de grandeur. Telle est cependant la légèreté de l’esprit français, tel est le besoin de niveler, qui est la maladie de notre siècle, telle est la joie de détruire toute supériorité, même celle du talent, que des voix s’élèvent pour attaquer l’école de Rome. Je comprends ses ennemis, qui veulent qu’on la supprime ; ils sont francs, ils avouent qu’elle est un obstacle aux folles aventures, une digue contre l’anarchie dans les arts ; ils sortent peut-être de l’exposition des refusés. Je ne comprends pas ses faux amis, qui demandent qu’on la réforme, qui avouent en gémissant qu’elle s’affaiblit, qu’elle attend des remèdes, et qui proposent d’abaisser le recrutement, de diminuer le nombre des pensionnaires, de les exempter d’une partie de leurs travaux, de réduire le temps de leur séjour à Rome, de les disperser libres et sans direction dans les diverses contrées du monde, afin qu’ils contemplent les danses des almées en Orient, les courses de taureaux en Andalousie et les manœuvres de l’armée prussienne à Berlin. À ceux-là je crierai de toutes mes forces : « Un peu d’audace, et frappez au cœur ! Si l’école