Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/913

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme les freebooters d’autrefois, les chansonniers et les collecteurs ont souvent fourragé indirectement sur l’une et l’autre frontière. On chasse sur les deux versans des Cheviots, et tous ces lieux auxquels s’attache une notoriété romanesque et sanglante, Flodden, Otterburn, Halidon-Hill, séparés ou non par la Tweed, sont compris dans un rayon de quelques milles d’étendue. Nous n’insisterons pas ici sur ces scènes de violences et quelquefois d’héroïsme sauvage que les romans de Scott nous ont rendues familières. Johnie Telfer, les Adieux de lord Maxwell, les Plaintes de lady Anne Bothwell, surtout Chevy-Chace, cette véritable épopée du border écossais dont la grandeur sauvage parlait si vivement à l’âme de sir Philip Sidney, sont dans toutes les mémoires. Les chants du border anglais sont moins connus. On y voit, à la bataille d’Otterburn, le nom normand des Umfreville mêlé à celui des Douglas et des Percy. The Laidley Worm reproduit quelques traits de notre Mélusine, et le Décret de Borthwick est tout à fait le pendant de notre légende normande de la Côte des deux Amans.

Les chansons d’amour forment dans la poésie écossaise un groupe d’un tout autre caractère. On y remarque une inspiration généralement douce mêlée à des sentimens de dévotion assez exaltés. Ainsi une jeune fille par le de son amant avec une maussaderie toute puritaine. « Il ne dit pas ses grâces à ses repas ; jamais il ne prend le Livre (the Beuk, c’est-à-dire la Bible) ; ses lèvres ne sont pas des lèvres à psaumes. La bouche qui ne chante pas les louanges du Seigneur n’est pas faite pour courtiser une jeune fille. »

Les images de la vie champêtre et domestique marquent en quelque sorte d’une empreinte, uniforme la plupart de ces compositions. Ce sont de longues journées passées en compagnie de jolies filles (bonny lasses) aux cheveux blonds sur les bords de l’Ayr ou de la Clyde, ou sur des gerbes de foin nouvellement coupé et dont la senteur pénétrante nous arrive avec le chant des oiseaux, les sons de la cornemuse et le tintement lointain des cloches du village. Pour se faire une idée de cette poésie, il faut lire Marie la Montagnarde de Burns, les Collines de l’Yarrow, les Rives de l’Ayr, car, ainsi que le remarque Washington Irwing, « beaucoup de ces simples effusions de la muse pastorale écossaise sont liées aux souvenirs de localités chères au poète, de telle sorte qu’il n’y a pas une montagne, une vallée, un ruisseau, un village dont le nom ne soit associé à quelque air favori dont il devient comme la note fondamentale en réveillant une foule d’associations délicieuses. »

Quelquefois cependant l’amant est séparé de sa maîtresse par des distances considérables. Il entreprend de longues excursions nocturnes pour la voir furtivement à la fenêtre de son cottage. Les hasards