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mort vint finir leurs peines. Ils expirèrent dans les bras l’un de l’autre, ces chers petits innocens, et leurs corps gracieux ne reposèrent pas dans un tombeau ; seulement le rouge-gorge couvrit de feuilles leurs restes abandonnés au fond des bois. »


Les ballades sur Robin Hood, qui forment un véritable cycle populaire, nous reportent aux premiers temps de la domination normande, soit qu’avec l’historien de la conquête on considère ce hardi aventurier comme le représentant de la nationalité saxonne, soit qu’on voie simplement en lui un outlaw devenu braconnier par nécessité, et, ainsi que le dit naïvement je ne sais quel vieux chroniqueur, « un bon voleur qui faisait beaucoup de bien aux pauvres gens. » Ces ballades ont été l’objet de publications spéciales en Angleterre, et sans s’y arrêter il suffira de remarquer ici que cette popularité du libre chasseur, du coureur de bois, n’avait pu naître qu’à une époque où les lois sur la chasse constituaient une des formes les plus dures de la tyrannie étrangère, et où l’outlaw, refoulé dans les forêts, était considéré comme un homme dépouillé de son bien, qui le reprenait où et comme il le pouvait. Aussi l’infraction à ces lois n’a pas cessé de passer en Angleterre pour un péché des plus véniels. Shakspeare ne s’en faisait pas faute, si l’on en croit les anecdotes recueillies sur sa jeunesse. Dans mainte ballade, telle que Johnnie de Breadislee, les forestiers jouent le rôle de traîtres, et les délinquans, comme dans les Trois archers, sont « de joyeux compères, des amis de la venaison et de la liberté. » Dans le comté de Nottingham, principal théâtre des exploits de Robin Hood, on répète encore une chanson de braconnier, de poacher, attribuée par la tradition à un gentilhomme du pays, adversaire déclaré des lois sur la chasse. Ainsi le braconnage n’est pas seulement le fait de jeunes étourdis ou de pauvres diables qui tuent du gibier pour vivre ; mais, ce qui est bien caractéristique assurément, on en a fait une protestation et un acte d’opposition politique.

Du reste, les sporting songs en général forment une partie notable du répertoire lyrique de nos voisins. On ne s’étonnera pas que Fielding, à qui l’on doit le type du squire Western, ait composé des chansons de chasse, il y en a sûr la pêche, sur le turf, sur le jeu de cricket, et même sur le patinage. Parmi celles qui sont consacrées aux fêtes rurales et domestiques, beaucoup, antérieures au règne d’Elisabeth, ont péri, comme nous l’avons dit, à l’époque de la réforme. Qui pourrait énumérer tous ces esballemens du bon vieux temps, ces naïves pratiques, ces cérémonies traditionnelles que le chant accompagnait presque toujours, et dont la plupart ne revivent plus que dans les ouvrages de Brand (Popular antiquities), de Strutt (Sports and pastimes of England), ou dans les tableaux de Maclise et les aquarelles de Taylor ? C’étaient les fêtes de mai.