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Ces strophes ingénieuses ne sont citées, on le comprendra, qu’à titre de contraste et pour constater que les chansons républicaines, dans leur brutalité même, avaient quelque chose de bien autrement populaire et de plus foncièrement anglais. On reconnaît ici le gentilhomme dont la jeunesse s’est passée sur le continent, qui a fréquenté les ruelles de Paris, peut-être l’hôtel de Rambouillet, et qui, sur ses vieux jours, connaîtra Hamilton et Saint-Évremond. L’influence française dominera dans l’époque qui va suivre, et viendra tempérer la rudesse de la vieille chanson anglaise par une infusion de raillerie élégante, d’insouciance épicurienne, de scepticisme politique et religieux.

La restauration donna son nom à une chanson (a countrey song, intitled the restauration) qui nous montre l’allégresse de la première heure et l’espèce de détente universelle qui suivit la chute du parti des saints et la fin de la grande guerre civile. Il y eut alors un déluge de loyal songsn loyal poems (chansons et poèmes royalistes), rump songs (chansons du croupion, etc.) ; mais le désenchantement ne tarda pas à trouver aussi des organes. La Plainte du Cavalier nous montre un vieux royaliste campagnard ne rapportant, comme il le dit, de son voyage à la cour d’autre fruit que d’avoir vu son roi. Toutes les figures y sont nouvelles pour lui. Pas une de celles qu’il a connues jadis à York et à Marston-Moor ! Il s’éloigne en faisant cette réflexion, que les vieux services sont comme les almanachs passés de date.

Quand les partis se furent bien chansonnés l’un l’autre, il se trouva des gens qui chansonnèrent tous les partis. C’est à cette période que se rapporte le Ministre de Bray, personnification devenue proverbiale en Angleterre de l’indifférence et de la mobilité politique. On assure qu’il y avait en effet un ministre de Bray, dans le Berkshire, qui avait été papiste sous Henri VIII, protestant sous Edouard VI, papiste de nouveau sous le règne de Marie, et encore une fois protestant sous celui d’Elisabeth. Lorsqu’on lui reprochait d’avoir changé si souvent de religion, il répondait tranquillement : « Je n’ai du moins jamais varié dans mon principe, qui est de vivre et de mourir ministre de Bray. »


« Dans les jours d’or du bon roi Charles, quand la loyauté n’avait aucun danger, je fus un chaud partisan de la haute église, et j’obtins ainsi un bénéfice. Alors je ne manquais jamais d’enseigner à mon troupeau que les rois sont les élus du Très-Haut. Maudits ceux qui osent résister à l’oint du Seigneur ! Et jusqu’à la mort voici mes principes à moi : quel que soit celui qui règne, je veux toujours être le ministre de Bray.

« Quand le roi Jacques obtint la couronne et que le papisme devint à la mode, je me moquai des lois pénales, et je me mis a lire la déclaration. Alors je trouvai que l’église de Rome convenait parfaitement à mon tempérament,