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dans les montagnes du Westmoreland, et Robert Anderson, de Carlisle, qui ne mourut qu’en 1833. Pour en revenir au règne d’Elisabeth, le titre seul des chansons de l’époque montre à quel point elles manquaient de gaîté. Voici une nouvelle et curieuse ballade racontant brièvement la mort et exécution de quatorze méchans traîtres (Ballard, Babington, etc.) à Lincoln’s Inn Field, près Londres. Le tout est enjolivé de grossières gravures sur bois représentant quatorze têtes fraîchement coupées.

Tandis que les malheurs de Marie-Stuart inspiraient plus d’une romance touchante, sa rivale Elisabeth ne dédaignait pas d’écrire, sur les conspirations tentées en sa faveur, ces terribles strophes :


« Nous ne souffrirons pas que des séditieux importent ici de l’étranger des levains de révolte. Notre royaume ne nourrit pas de sectes rebelles.

« Qu’elles aillent chercher fortune ailleurs, ou mon glaive, rouillé par le repos, aiguisera son tranchant en abattant les têtes qui rêvent des révolutions et s’ouvrent à des espérances coupables.

« Quant à l’âme de ces complots, quant à celle qui veut semer la discorde là où une volonté plus puissante que la sienne a établi la paix, qu’elle tremble ! Elle en retirera un tout autre fruit que celui qu’elle se promet. »

Sous Jacques Ier, on revint à des formes plus gaies pour ridiculiser les Écossais nécessiteux qui cherchaient fortune à la cour du roi, leur compatriote. Tel est le sujet de la chanson Jockie is grown a gentleman[1].


« Jockie, mon ami, n’allez pas si vite ; un mot, s’il vous plaît. Depuis quand êtes-vous devenu si brave et si gai, vous qui vous en alliez comme un mendiant l’autre jour ? Gentil Écossais, je le vois bien, l’Angleterre a fait de vous un gentilhomme.

« Votre bonnet bleu, lorsque vous arrivâtes ici, vous préservait à grand’peine du vent et de la pluie. Aujourd’hui vous l’avez jeté Dieu sait où ! Vous avez le feutre sur l’oreille et la plume au vent. Gentil écossais, etc. »


La période de la grande guerre civile a produit un certain nombre de chants empreints des passions de cette époque, où la violence n’excluait pas le ridicule. Les républicains, il est vrai, ne chantaient guère, si ce n’est des psaumes. Aussi emprunta-t-on cette forme pour parodier leur psalmodie nasillarde. Tel est le Psaume de merci, « fait pour être chanté du nez, » dit l’instruction jointe à la pièce. Le ton de nez fort dévot que Saint-Évremond prête au père Canaye dans le dialogue avec le maréchal d’Hocquincourt n’est peut-être qu’une réminiscence de cette plaisanterie anglaise.

La Marche de Marston-Moor respire ce fanatisme brutal qui unit

  1. Nous avons comparé le texte d’Evans, Old Ballads, t. Ier, p. 107 avec ce-lui Ritson, Northern Garlands, p 15.