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alors qu’elle se doublait des lourdes dépenses de la fabrication, et d’ailleurs c’eût été de toute façon une voie dangereuse au temps de l’esclavage. Non-seulement il doit en être autrement désormais, mais c’est dans la petite culture, si je ne me trompe, que gisent l’avenir et le salut de nos colonies. Elle seule, en inspirant aux nègres le sentiment de la propriété, en leur créant de nouvelles notions de bien-être, pourra les faire sortir de leur apathie et les ramener régulièrement au travail ; elle seule pourra fixer dans la colonie, à l’expiration de leur engagement, les émigrans que nous y avons coûteusement introduits ; elle seule mettra un terme à l’uniformité de tâches mercenaires et improductives qui répugnent aux travailleurs ; elle seule enfin pourra accroître la population agricole et par suite la production sucrière de nos îles. Ce sont là, pour ces colonies, des questions brûlantes, et on ne pourra guère les résoudre qu’en triomphant du souverain mépris avec lequel l’habitant accueille les vœux que l’on se hasarde à former pour l’établissement de la petite culture. Il dépend du gouvernement métropolitain de combattre de tels préjugés en faisant disparaître de notre législation coloniale certaines mesures conservées par tradition, telles par exemple que l’inégalité des droits de transmission, beaucoup trop favorables à la grande propriété. Depuis plusieurs années, la Martinique donne une récolte peu variable d’environ 70,000 barriques ; la Guadeloupe oscille de même autour de 60,000 barriques. Pour atteindre le chiffre de 100,000 barriques, tant rêvé par les deux îles et si souvent annoncé par elles, pour le dépasser même, que faudrait-il maintenant que les usines existent ? Dans chaque colonie, un accroissement de culture répondant à une augmentation de 15,000 travailleurs. Pour la grande propriété, c’est un problème que des millions peuvent seuls résoudre ; pour la petite, c’est le secret de quelques années.


ED. DU HAILLY.