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Nous avons déjà signalé l’insuffisance du dessin dans la figure du saint, patron de l’église. Il serait permis encore de critiquer le geste trop humain, trop familier, avec lequel Dieu le père accueille le Christ ressuscité, ou plutôt nous regrettons qu’en traitant ce sujet M. Roger n’ait pas craint de faire intervenir Dieu en personne, qu’il ait essayé de définir matériellement l’infini. C’était renouveler bien imprudemment une entreprise dans laquelle Raphaël et Michel-Ange eux-mêmes avaient échoué malgré leur merveilleux génie ; c’était tenter l’impossible et se condamner d’avance à ne nous montrer qu’un vieillard majestueux, un patriarche, un homme, là où il aurait fallu faire pressentir à notre imagination ce que nous ne saurions ni concevoir, ni saisir avec le secours de nos sens. À quoi bon insister et relever dans les détails des fautes qui, à tout prendre, n’altèrent pas plus la signification morale de l’ensemble qu’elles n’en compromettent la valeur au point de vue pittoresque ? Par les formes qu’elle présente aux regards, par les sentimens ou les idées qu’elle éveille dans l’esprit, la coupole de Saint-Roch commande mieux qu’une minutieuse analyse : en face de cette œuvre avant tout bien pensée, le plus opportun comme le plus juste sera de s’en tenir à l’examen général des mérites qui lui appartiennent et des graves intentions qu’elle traduit.

Le nouveau travail de M. Roger est donc très honorable à la fois pour l’artiste qui s’en est acquitté et pour notre école, un peu désaccoutumée aujourd’hui des grandes tâches, des entreprises de longue haleine. N’exagérons rien toutefois. Peut-être ce qu’il conviendrait d’accuser en ceci plutôt que la disette des talens ou la rareté des occasions, c’est notre propre indifférence. Quel que soit le nombre des artistes éminens que nous avons perdus depuis le peintre de l’Hémicycle de l’École des Beaux-Arts jusqu’au peintre du Plafond de la Galerie d’Apollon, quelques préférences que témoignent la plupart de ceux qui ont survécu pour la peinture de genre ou pour la représentation des faits anecdotiques, des petites curiosités de l’histoire, plus d’un talent nous reste encore qui continue dans une sphère moins humble les traditions de l’art français ; plus d’un effort sérieux se produit pour défendre, pour féconder, pour renouveler au besoin le domaine de la peinture sacrée et celui de la peinture décorative. Pour ne citer que ces exemples, les peintures de MM. Flandrin et Périn dans les églises de Saint-Vincent-de-Paul, de Saint-Germain-des-Prés et de Notre-Dame-de-Lorette, les deux hémicycles que le pinceau de M. Lehmann a décorés dans la salle du trône au palais du Luxembourg, les cartons de M. Chenavard, les voussures et les plafonds peints par M. Gendron dans le vestibule de la Cour des Comptes et au ministère d’état, — de telles œuvres