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successivement régné sur la France. Une lettre adressée par Gros, en 1811, au comte de Montalivet, nous a conservé le programme pittoresque qu’il s’agissait alors de remplir et le résumé des conditions imposées à l’artiste. « Je m’engage, écrivait Gros, envers son excellence le ministre de l’intérieur, à peindre la calotte du dôme du Panthéon et à y représenter, dans la proportion de figures de quatre mètres, une gloire d’anges emportant au ciel la châsse de sainte Geneviève ; au bas, Clovis et Clotilde, son épouse, fondateurs de la première église ; plus loin, Charlemagne, saint Louis, et à la partie opposée sa majesté l’empereur et sa majesté l’impératrice consacrant la nouvelle église au culte de la sainte. » Ces derniers mots méritent d’être remarqués. Ils prouvent que, dans la pensée de Napoléon, l’institution païenne d’un Panthéon avait fait son temps, et que le moment était proche où le temple souillé d’abord par les reliques infâmes d’un Marat, ouvert ensuite à plus d’un héros suspect, à plus d’une gloire contestable, n’abriterait plus que des autels chrétiens et ne conseillerait plus que la prière.

Le temps manqua toutefois pour que les intentions de l’empereur reçussent leur entier accomplissement. Il fit aussi défaut à l’artiste pour l’achèvement de sa tâche. Ce grand travail, suspendu en 1814, repris et suspendu de nouveau en 1815 afin d’aviser, suivant les ordres contraires des gouvernemens qui se succèdent, tantôt aux moyens d’installer « à la quatrième place, après Clovis, Charlemagne et saint Louis, sa majesté le roi Louis XVIII accompagné de son auguste nièce la duchesse d’Angoulême et remettant le royaume sous la protection de la sainte[1], » tantôt aux moyens de réintégrer la figure de « l’empereur Napoléon dans un des quatre groupes qui accompagnent l’apothéose de sainte Geneviève[2], » — ce travail tant de fois interrompu, modifié, transformé dans son principe comme dans ses caractères extérieurs, ne put suivre régulièrement son cours et acquérir une signification immuable que peu d’années avant l’avènement de Charles X. Il fut terminé dans les premiers mois du nouveau règne, et l’on vit alors, comme nous les voyons encore aujourd’hui, Louis XVIII et la duchesse d’Angoulême en possession de cette « quatrième place » si souvent disputée, la figure du duc de Bordeaux substituée à celle du roi de Rome, ou plutôt le cordon de l’ordre du Saint-Esprit sur la poitrine nue du petit prince suffisant pour débaptiser celui-ci du nom que lui avait attribué autrefois le grand cordon de la Légion d’honneur. Tout en se résignant aux changemens et aux mutilations commandés par les

  1. Dépêche, en date du 16 avril 1814, du commissaire provisoire au département de l’intérieur.
  2. Dépêche du ministre de l’intérieur, 31 mars 1815.