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EMMA

Eh bien! cousin, voulez-vous me faire grand plaisir? Épousez Mlle Pompéa. À cette condition, je serai sa demoiselle de noces.

FRITZ

Calmez-vous! Vous êtes une enfant, je m’engage à ne plus lui parler.

EMMA

Mon Dieu! quand on veut être poli, qu’il est difficile de se faire comprendre! Vous ne voyez donc pas à quel point je suis lasse de cette chaîne sans amour, et les bâillemens sans fin que me donne le simple prologue de notre mariage?

FRITZ

La colère vous égare, cousine.

EMMA

En colère? moi! parce que je vous déclare, pendant qu’il en est temps encore, que je ne vous aime pas, que je ne vous ai jamais aimé.

FRITZ

C’est assez, je n’en veux pas entendre davantage.

EMMA

Ainsi vous me rendez ma parole comme je vous rends la vôtre?

FRITZ

Comme il vous plaira.


SCÈNE II.
EMMA, POMPÉA


EMMA, à elle-même.

Enfin! (Apercevant Pompéa, qui vient d’entrer.) Ah ! encore ici !

POMPÉA

Ma présence vous étonne, mademoiselle?

EMMA

Mais non ; vous voulez assister au dénoûment du drame où vous jouez un si beau rôle. C’est affaire de métier.

POMPÉA

Dans ma carrière, mademoiselle, qui est, si je comprends bien, ce que vous entendez par métier, votre langage et surtout le ton qui l’accompagne conviennent à merveille aux scènes de rivalité.

EMMA

Prenez garde! vous oubliez...

POMPÉA, interrompant vivement.

Au contraire je me souviens, et si dès hier je trouvais votre conduite en ma présence singulièrement imprudente, que dirai-je de votre attaque à cette heure ! Comment avez-vous espéré me cacher le sentiment qui vous agite? vos coquetteries incessantes à l’égard de Pompée, à moi, qui me retrouvais enfin près de celui qui fut mon maître, mon ami?...

EMMA, ironiquement.

Votre ami?