Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/747

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans le Holstein; la grande aspiration germanique à la flotte nationale serait enfin satisfaite. Mais la question de la succession a été réglée en 1852 par un traité signé des cinq grandes puissances, et auquel ont adhéré la plupart des états allemands. Le duc d’Augustenbourg a renoncé, moyennant une indemnité pécuniaire, à toutes ses prétentions sur les duchés. L’ambition de l’Allemagne quant à la question de succession est donc absolument injuste, et rencontre en face d’elle les engagemens solennels des cinq grandes puissances. Le droit de l’Allemagne ne peut aller au-delà de l’exécution fédérale dans le Holstein. Sous l’empire d’un entraînement universel, voudra-t-on aller plus loin? Ici il faut bien se rendre compte de la nature de cet entraînement. La passion des duchés est en Allemagne une sorte de crise où se mêlent à l’envi tous les élémens maladifs de la confédération. Dans cette unanimité où se réunissent les partis les plus contraires, les intérêts les plus divergens, les féodaux et les radicaux, les gouvernemens secondaires et le National Verein, il est impossible de ne pas reconnaître l’effet du malaise dont l’Allemagne est travaillée. Dans cette unanimité, il est impossible de ne pas voir un jeu de tous les intérêts et de tous les partis hostiles, mettant à l’envi enchères et surenchères sur une question apparente de patriotisme. C’est un mouvement malsain, symptôme d’une crise plus profonde, et c’est pour cela qu’il est redoutable. Une transaction est-elle possible? L’Autriche et la Prusse lutteront-elles franchement contre ce débordement, et suffiront-elles à le contenir? L’événement nous l’apprendra; mais il serait déplorable, sous le prétexte des liens étroits qui unissent la famille royale de Danemark à la famille royale d’Angleterre, et pour le motif que nous n’avons pu décider le cabinet anglais ni à faire la guerre à la Russie, ni à venir au congrès, que la France retirait au brave et honnête peuple danois la protection qu’elle lui doit en vertu du traité qu’elle a signé. Il serait déplorable qu’une rancune passagère nous fît perdre de vue la vieille fidélité des Danois et des Scandinaves à l’alliance française. En dépit des journaux officieux, nous ne pouvons croire que la France cherche de pitoyables représailles dans le démenti des traités auxquels elle s’est associée et de sa politique séculaire.

Pour résumer d’un mot la vérité de la situation extérieure, tout le monde ne sent-il pas que de fortes alliances fondées sur une confiance réciproque seraient bien préférables à l’ostentation d’un congrès, et assureraient a-l’autorité que nous voudrions exercer en Europe en faveur des droits et de la liberté des peuples une force bien plus efficace? La seule utilité pratique d’un congrès eût été d’aider à la formation d’alliances de cette nature ; mais il est évident que pour les former un congrès n’est pas nécessaire, et que les relations ordinaires entre gouvernemens suffisent. Nous devons rendre à l’empereur cette justice, qu’il y avait sans doute dans le projet du congrès une autre pensée, la pensée élevée d’appeler l’intervention de l’opinion publique dans la délibération des affaires internationales. Si les souverains étaient venus à Paris, s’ils avaient discuté ensemble les grandes