Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/743

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que la description saisissante de l’état critique et précaire de l’Europe. L’empereur n’ayant pas pu, suivant nous, avoir une confiance absolue dans l’hypothèse du congrès, la politique de la France doit avoir, ce nous semble, en réserve d’autres combinaisons et d’autres plans. C’est à imaginer ces plans, à les pénétrer, à les discuter, que va s’appliquer la curiosité de la France et de l’Europe.

La France a en ce moment le choix entre trois politiques : deux politiques d’action et une politique d’attente que nous allons essayer de définir.

La première politique d’action serait celle où la France voudrait, sans mener de front toutes les questions à la fois, s’attacher à une question déterminée et travailler à la résoudre victorieusement. La question de cette nature qui se présente la première est celle qui nous a occupés toute cette année, c’est la question polonaise. La politique impériale a manifesté dans la question polonaise une décision à certains égards remarquable. Il ressort des documens officiels qui ont été publiés que cette politique serait allée jusqu’à la guerre contre la Russie, si, dans une telle guerre, l’Angleterre et l’Autriche avaient voulu nous prêter leur concours. Si, à l’heure qu’il est, nous ne sommes pas en guerre avec la Russie, personne ne le contestera, la faute ou le mérite, comme on voudra, en est à la résistance que l’Angleterre et l’Autriche ont opposée aux efforts que nous avons faits pour les enchaîner à nous dans une action commune. Si l’on voulait en France revendiquer, même par la force des armes, les droits de la Pologne, nous ne croyons pas, et l’événement l’a prouvé, que l’on ait pris soit envers l’Autriche, soit envers l’Angleterre, les meilleurs moyens. Tout en pressant ces deux puissances d’agir avec nous, on a trop affecté de leur répéter que nous n’attachions pas à la question polonaise plus d’intérêt qu’elles-mêmes, et qu’en aucun cas nous n’assumerions plus de risques, nous ne ferions plus de sacrifices qu’elles. Cette conduite nous a paru toujours inconséquente : elle avait l’inconvénient de trop montrer que nous voulions agir et en même temps de trop mettre en garde les cabinets anglais et autrichien contre les responsabilités qu’ils pouvaient encourir. Une initiative plus hardie et plus séante à la force de la France eût été plus efficace auprès de l’Angleterre et auprès de l’Autriche, et les eût inévitablement traînées après nous. C’est cette initiative qu’il faudrait prendre aujourd’hui, si l’on voulait venir au secours de la Pologne. Il faudrait appliquer à la question polonaise cette force de combinaisons et cette dextérité d’action qui ont caractérisé la politique des grands hommes d’état de la France, de Richelieu, de Mazarin, du duc de Choiseul même par échappées, et à certaines heures de Napoléon Ier. Le concours de l’Autriche étant presque indispensable en une telle affaire, il faut traiter l’Autriche suivant son tempérament, nécessairement passif, la pousser en la rassurant, se compromettre avant de l’engager, l’entraîner à moitié contrainte et à moitié persuadée, sans lui donner le temps d’hésiter. Après l’Autriche, une fois l’action engagée, le tour de l’Angleterre doit naturellement venir. Il est