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complications où la politique française perd sa liberté et ne suit plus ses traditions, ses mobiles naturels. Dans le reste de l’Amérique espagnole même, l’expédition du Mexique, mal comprise, mal connue, n’est point sans avoir eu déjà des conséquences pénibles pour l’ensemble de nos relations, pour notre rôle dans cette partie du Nouveau-Monde. Elle a provoqué tout au moins dans certains pays américains une explosion de méfiances qui dégénère en hostilité contre nos nationaux, et qui serait devenue un secours plus effectif pour le gouvernement de M. Juarez, si la force de ces tristes états égalait leur mauvais vouloir. L’hostilité des états hispano-américains est puérile et injuste, je le veux, surtout si elle naît de la crainte de voir l’intervention s’étendre graduellement dans l’Amérique du Sud; mais si la France, par elle-même, n’a rien fait pour provoquer ce soulèvement de méfiances, d’autres ont parlé, et c’est un des conseillers les plus écoutés, je crois, de l’intervention, M. Hidalgo, qui, dès l’origine, écrivait publiquement à l’un de ses amis d’Espagne soutenant la candidature d’un prince espagnol : « Si les alliés vont, comme je l’espère, jusqu’à la capitale, il est certain que l’opinion se prononcera en faveur du système monarchique. Le prompt établissement de la monarchie au Mexique entraînera indubitablement des mouvemens analogues dans les autres républiques hispano-américaines, et dans celles-ci on ne pourrait faire moins que de tenir compte du mérite des princes que vous me nommez... » Nous voilà donc transformés en promoteurs d’un mouvement qui s’étendrait à l’Amérique tout entière! C’est ainsi que le commentaire obscurcit nôtre œuvre réelle en donnant à notre politique une portée qui devient à notre insu une provocation à la méfiance contre nous, et qui dépasserait la limite de tous les intérêts de la France.

Quant à notre politique en Europe même, la France n’est point absolument liée sans doute par notre présence au Mexique, par la nécessité d’avoir au-delà de l’Atlantique une armée nombreuse, de la transporter, de la ravitailler, de la soutenir par une escadre toujours en mouvement. N’est-il point manifeste cependant que c’est là un des élémens les plus graves des résolutions de la politique française sur le continent? Dès l’origine, c’était là justement la préoccupation des esprits qui voyaient avec crainte commencer une entreprise dont on ne pouvait encore mesurer ni la portée ni le caractère, lorsqu’en Europe tout semblait se préparer pour une crise: ce serait certes un étrange spectacle, et ce ne serait pas un avantage pour notre ascendant, au moment où nous travaillons à la régénération du Mexique, de laisser périr un peuple qui est là plus près de nous, qui lutte dans des convulsions héroïques, et dont la cause est la nôtre, la cause de la civilisation tout entière. — Mais alors,