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pas les ressources naturelles qui font défaut au Mexique; ce qui lui manque, c’est un budget dont le déficit ne soit pas la plaie, un système régulier de contributions, toute une organisation financière, et par-dessus tout la fidélité à ses engagemens.

C’est donc dans ces conditions que naît la monarchie nouvelle au Mexique. On ne peut se dissimuler qu’elle n’ait d’immenses difficultés à surmonter, à commencer par celle de vivre. M. Michel Chevalier, qui est le confiant historien des futures prospérités de cette monarchie, lui trace un large et séduisant programme : création d’une armée, réorganisation des finances, réforme du clergé et de l’enseignement, explorations scientifiques, exploitation des mines, chemins de fer, assainissement des villes. C’est bien là en effet le programme, il se réalisera comme il pourra et quand il pourra. Seulement voici la question : la France peut-elle se laisser entraîner dans cette voie de compromettante solidarité par une occupation indéfinie ? Peut-elle accepter cette responsabilité de faire vivre un empire au-delà de l’Atlantique, de défendre le Mexique contre sa propre anarchie, de garantir ses emprunts? Si elle impose ses conseils, ce sera une domination abusive, une conquête; si elle prête son secours à un parti, à une monarchie même, sans avoir un droit de direction, elle risque d’aider sans le vouloir au triomphe d’idées qui ne sont point les siennes, qui sont celles de la politique qu’elle combat en Europe. Elle s’aventure dans l’inconnu.

La question est d’autant plus grave qu’elle ne se circonscrit pas dans ses effets au Mexique, qu’elle est pleine d’obscures fatalités, et que pour une création sans avenir, si elle ne naît pas spontanément de la conscience du peuple mexicain, si elle ne porte pas en elle-même sa vitalité, la politique de la France traîne un véritable poids dans le Nouveau-Monde comme en Europe. Elle se sent tour à tour engagée ou retenue dans ses rapports avec les États-Unis et les autres républiques américaines aussi bien que dans les affaires de l’Occident. L’expédition du Mexique a le malheur, en réalité, de nous exposer, aux méprises, aux défiances et aux conflits qui peuvent naître à un jour donné d’une situation contrainte. Qu’arriverait-il, si l’Union américaine se reconstituait, si cette masse d’aventuriers que la guerre occupe aujourd’hui se rejetait sur le Mexique? Et d’un autre côté, pour couvrir le Mexique, est-il de l’intérêt de la France de prêter à la confédération du sud la force d’une reconnaissance de gouvernement à gouvernement, de patronner en quelque sorte un état fondé sur l’esclavage? Est-il même bien sûr que les confédérés du sud reconnus, définitivement séparés de la fédération du nord et pacifiés, fussent des voisins commodes pour la nouvelle monarchie mexicaine ? C’est là évidemment une source possible de