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compose d’Indiens, de métis, de leperos, et pourrait devenir redoutable. Les insurrections d’Indiens sont très fréquentes, et elles sont même un fait à peu près permanent. Il y a donc là un danger toujours présent et ce qu’on pourrait appeler un problème social né de cette prépondérance numérique d’une masse barbare qui, depuis quelques années surtout, commence à s’agiter, à se jeter dans la vie politique.

Autre question : il y a une armée au Mexique; il y en a même deux le plus souvent, une au service de chaque parti. Et de quoi se composent ces armées? De malheureux Indiens enrôlés par force, par la presse. Ceux qui échappent aux libéraux tombent dans les mains des conservateurs. Au moment de son départ, M. Juarez ne recrutait point autrement le petit corps qu’il conduisait avec lui à San-Luis de Potosi. Les officiers seuls ont quelque instruction, et savent ce que c’est que la vie militaire. L’armée mexicaine se partage entre cette masse obéissante, pressurée, et ces officiers qui depuis cinquante ans jouent aux révolutions. La réforme de l’armée et des mœurs militaires est certes une des premières nécessités poulie Mexique. J’en dirai autant du clergé, qui, par ses mœurs aussi bien que par son intelligence, est bien au-dessous de sa mission. Le clergé au Mexique a des richesses immenses; il possède seul une grande partie du territoire, et un des actes du gouvernement de M. Juarez a été, on le sait, la prise de possession des biens de l’église au nom de la nation. Organisation religieuse, règlement des rapports entre l’église et l’état et des questions de propriété ecclésiastique, épuration du corps sacerdotal, amélioration de l’état du bas clergé, tout est à refondre. L’administration et la magistrature sont devenues des foyers de vénalité et de corruption. Quant à l’état matériel du pays, industrie, viabilité, tout est à faire, à commencer par les finances, qui participent de l’anarchie universelle. Rien ne peint mieux la situation financière habituelle du Mexique que ce mot d’un ministre entrant au pouvoir il y a quelques années : « A ma première entrée au ministère, j’ai trouvé 14 réaux dans les caisses; la seconde fois, il y avait 700 piastres; je serais embarrassé de dire ce qu’il y a aujourd’hui. » Le Mexique a des dettes de toutes les origines et de toutes les dates : une dette intérieure qu’il n’a jamais réglée, une dette étrangère qui a été l’objet d’une série de conventions toujours violées. Il doit à l’Angleterre plus de 250 millions de francs; il doit à l’Espagne, à la France, et le capital s’est incessamment accru des intérêts qu’il n’a pas payés. Aujourd’hui encore cette dette va se grossir de toutes les réclamations qui motivaient à l’origine l’intervention réglée par le traité du 31 octobre 1861, et de l’indemnité particulière qui sera due à la France. Certes ce ne sont