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Quant à la situation telle qu’elle apparaissait au moment où, après une nouvelle guerre civile, M. Juarez et son parti restaient maîtres du Mexique, elle n’avait certainement rien de rassurant. M. Juarez n’était pas responsable de tout sans nul doute : il recevait, en montant au pouvoir, le lourd héritage d’une série de violences accomplies par d’autres, par les conservateurs comme par les radicaux; mais en même temps à ces violences du passé, dont il avait à répondre devant les victimes comme chef de cette triste république, il ajoutait ses propres actes. D’autres avaient violé les conventions avec les étrangers; lui, il les abrogeait ou les suspendait complètement par un acte législatif de 1861. C’était lui qui était directement responsable de l’expulsion de l’ambassadeur d’Espagne, des attentats dirigés contre des agens consulaires français, d’un vol d’argent commis publiquement au préjudice de l’Angleterre. Il arrivait alors ce qui arrive toujours : c’est qu’en présence des violences des radicaux on oubliait les excès des conservateurs, par lesquels on n’avait pas été mieux traité, et c’était le ministre anglais lui-même, sir Charles Wyke, qui écrivait le 27 août 1861 : « L’unique chance d’un changement avantageux que je puisse entrevoir, je l’aperçois dans le parti conservateur, qui peut arriver au pouvoir avant que tout soit perdu et sauver le pays de la ruine qui le menace. Dès le moment où nous ferons connaître notre résolution de ne pas permettre plus longtemps que les sujets anglais soient volés et assassinés impunément, nous serons respectés. Tous les Mexicains sensés approuveront une mesure dont ils reconnaissent eux-mêmes la nécessité, afin de mettre un terme aux excès qui tous les jours et à toutes les heures se commettent à l’abri d’un gouvernement aussi corrompu qu’impuissant à maintenir l’ordre et à faire respecter ses propres lois. » Ainsi les excès de l’anarchie mexicaine provoquaient la nécessité, l’énergie de la répression européenne, et de l’impuissance de tous les gouvernemens à sauvegarder les intérêts étrangers naissait cet autre désir de chercher dans l’établissement d’un régime plus régulier et plus stable au Mexique une garantie de sécurité dans les transactions. C’était, à vrai dire, toute la pensée de l’alliance formée le 31 octobre 1861 entre la France, l’Angleterre et l’Espagne, alliance nécessaire, légitime dans son principe, prévoyante pour les intérêts de l’Europe dans le Nouveau-Monde, protectrice pour le Mexique lui-même.

Malheureusement, dans cette situation qui semble naturelle et simple, une seule chose était claire, la multiplicité, la gravité criante des griefs de l’Europe, et ici, dès les premiers jours, dans l’interprétation même de ce droit d’intervention que les gouvernemens européens tirent de leurs griefs, dans l’action qui s’engage