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de gouvernement ont été épuisés, c’est le pouvoir qui a toujours gardé le privilège de cette distribution. S’agit-il aujourd’hui non-seulement de concessions de chemins de fer et de canaux, qui sont les grands bienfaits enviés, mais de fonds de secours pour des travaux uniformément sollicités, la réparation des églises, la construction des mairies, l’établissement des maisons d’école; s’agit-il même des allocations pour les chemins et tous les autres intérêts municipaux : c’est vers les ministres ou les préfets que doivent se tendre les mains suppliantes. Plus les communes sont petites, plus elles ont besoin de cette assistance qui les tire de la gêne, et plus elles prennent de précautions pour l’obtenir. Royer-Collard avait donc raison dans sa triste prévoyance quand il dénonçait fièrement notre régime administratif comme faisant des peuples de nouveaux courtisans qui s’exercent au métier de plaire... « Par quelles faveurs s’imaginerait-on que le gouvernement pût séduire aujourd’hui ce nombre prodigieux d’électeurs? » écrivait dans une de ses circulaires le ministre chargé, il y a onze ans, de donner les premières instructions électorales aux préfets de l’empire. Si la question a été posée pour qu’il y soit répondu, la réponse est facile à donner. En effet, plus le nombre des électeurs est prodigieux, plus la centralisation peut faire de merveilles. Autrefois, sous le régime du suffrage restreint, c’était avec des électeurs qu’il fallait compter; aujourd’hui c’est avec des populations, et l’emploi des crédits du budget permet de donner satisfaction aux communes beaucoup plus aisément qu’aux individus. Sans contredit, il serait injuste de prétendre que la participation de l’état ou des départemens à tous les travaux et à toutes les améliorations qui intéressent le pays et les communes n’est jamais subordonnée qu’à des considérations politiques, et ce serait faire injure au bon sens autant qu’à la vérité de s’imaginer que c’est en vue d’un trafic de suffrages que l’argent des contribuables se dépense. Il y a plus, il convient de reconnaître que le gouvernement peut à bon droit invoquer comme l’un de ses titres à la confiance des électeurs sa sollicitude pour la prospérité matérielle de la France, qui, sous son impulsion, s’est rapidement étendue dans toutes ses branches du centre aux extrémités et des villes aux campagnes. Cependant, puisqu’il y a des tentations auxquelles il est dangereux d’exposer la nature humaine, parce qu’elles ne peuvent manquer de la faire succomber, il faut reconnaître que le soin d’assurer le succès des candidats de son choix met le gouvernement à une trop forte épreuve. Une fois qu’il entreprend de faire avec eux cause commune, il n’a qu’à laisser ouverte la source des dons de tout genre pour provoquer en leur faveur un concours de zèle, de bon vouloir et de reconnaissance; il se gardera donc bien de la fermer. Il lui importe même de faire prendre