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réseaux, et qui, en se dégageant de débats contradictoires, a pu si visiblement apporter aux intérêts les satisfactions compatibles avec la réalité des choses ! L’histoire de nos chemins de fer en témoigne : les dispositions, les mesures, les règles qui depuis l’origine ont le mieux réussi et le plus duré sont précisément celles qui ont largement subi l’épreuve de la libre discussion. Voyez le tracé général de notre réseau, où les erreurs sont si rares et qui fait tant d’honneur à nos ingénieurs : certes il a été débattu et discuté, peut-être même discuté et débattu trop longuement ; mais enfin il a été exécuté, et on l’oppose aujourd’hui avec un juste orgueil à la fréquente dispersion des chemins étrangers. De même pour la transaction consacrée par la fameuse loi de 1842 entre l’état et l’industrie privée : elle aussi, elle a été longuement, trop longuement débattue et discutée ; mais enfin elle dure : tous les jours on l’invoque, et les derniers contrats ne font qu’élargir l’arène au-devant d’elle. Autant faut-il en dire du système de l’exploitation. Que de discussions, que de polémiques ! Mais enfin le système qu’on peut presque qualifier d’universel, puisqu’il prévaut sur l’immense majorité des chemins de fer dans les deux mondes, non-seulement aux États-Unis et en Angleterre, où l’on n’en conçoit pas d’autre, mais même sur le continent européen, où il n’a fait que gagner du terrain depuis quinze ans, — le système de l’exploitation par les compagnies est sorti triomphant de la controverse. L’expérience n’a fait que justifier les vues de ceux qui soutenaient dès le début que l’exploitation par l’industrie pourrait seule réunir, surtout dans un pays comme la France, les garanties qu’on est en droit de réclamer sous le rapport de la responsabilité et du contrôle, de l’économie et du progrès.

Le grand essor, l’essor si rapide que les chemins de fer ont pris chez nous depuis douze ans, avait trouvé un utile point d’appui dans les discussions du passé. Le mérite a consisté, et ce mérite témoigne d’une initiative puissante, à distinguer les bons germes qui se pressaient dans les investigations accomplies, à savoir tirer parti de cette accumulation de matériaux. La prolongation démesurée des anciens débats avait pu un moment inquiéter certains esprits, rendre moins claires les garanties dérivant de la discussion. Tant qu’on restait dans le domaine des projets controversés à l’avance, et sur lesquels il n’y avait plus rien à dire, l’illusion pouvait se perpétuer. Dès qu’il a fallu au contraire mettre les pieds sur un sol neuf, dès qu’il a fallu se livrer à cette extension qu’ambitionnait notre temps et que le gouvernement était si jaloux de hâter, on a pu s’apercevoir qu’au lieu d’une colonne lumineuse on n’obtenait plus guère des procédés nouveaux que des lueurs pâles et dé-