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faire face à toutes les exigences, à satisfaire à tous les intérêts auxquels s’était adressé le Midi, si bien que les propositions premières, ainsi contrecarrées pied à pied et avec une remarquable sûreté de coup d’œil, devenaient maintenant sans objet. On a dit des satisfactions accordées en fin de compte à nos départemens méridionaux qu’elles étaient déjà mises à l’étude avant la querelle. Il semble difficile qu’un observateur impartial se laisse persuader que les nécessités de la lutte n’aient pas eu pour conséquence d’en étendre singulièrement le cercle, d’en hâter singulièrement la réalisation. Sans la pression résultant d’une aussi ardente rivalité, la Méditerranée eût-elle accepté ce qu’elle a bientôt volontairement offert ? L’eût-elle accepté à moins de fortes compensations ? Ce n’est guère à supposer. Les lignes qu’elle nomme elle-même des lignes de défense dans un rapport récent témoigneraient au besoin de la nécessité à laquelle elle avait obéi. Qu’on écarte des concessions faites l’idée de rançon, idée propre à blesser de légitimes susceptibilités, rien de mieux ; mais les discussions soulevées, les vives émotions qu’elles ont fait naître, les besoins et les ressources qu’elles ont servi à mettre en évidence n’en conserveront pas moins dans l’histoire économique de nos chemins de fer une place qu’il serait impossible de leur ravir. Ceci n’enlève rien au mérite des études antérieures dont s’occupait ou auxquelles pouvait songer la puissante compagnie de la Méditerranée.

La nouvelle attitude qu’elle avait su prendre s’était nettement dessinée dans un document publié au mois d’août 1862, et destiné aux conseils-généraux des départemens[1]. On y remarque toute une série de combinaisons, tout un système de lignes nouvelles que le Midi appelait à tort un enchevêtrement[2], et qui était au fond un ingénieux, mais coûteux moyen d’écarter la tentative d’envahissement. La différence de 45 kilomètres était ramenée à 20 à l’aide d’une ligne de jonction d’Arles à Lunel, et même à 15 pour les transports maritimes au moyen d’une gare spéciale de marchandises établie à Lestaque (territoire de Marseille) et reliée à la grande artère. Des embranchemens se dirigeaient sur Bouc et sur les Martigues, à la portée des salines. On avait parlé des difficultés et même des périls qu’offrait le tunnel de la Nerthe (4, 600 mètres de longueur) ; on avait parlé d’encombrement sur la ligne de Marseille vers le Rhône et de l’insuffisance de la gare dans ce grand port. De ces critiques, rien n’allait rester debout ; la Méditerranée ne reculait devant aucun sacrifice : elle dégageait le souterrain de la Nerthe, et,

  1. Enquête sur divers chemins de fer projetés dans les départemens des Bouches-du-Rhône, du Gard et de l’Hérault.
  2. Lettre à MM. les membres des conseils-généraux, août 1862.