surnaturels, cette scène grandiose, comme dit le livret, est une orgie de sons, de cris, où l’oreille éperdue ne sait à quel hurlement se prendre. Pauvre M. Berlioz ! il a voulu dans ce chaos imiter la chasse fantastique du Freyschütz !
Le second acte s’ouvre dans les jardins de Didon, situés au bord de la mer. On voit réunis un grand nombre d’hommes et de femmes qui entourent les grands personnages, Didon, Énée, Ascagne, etc. Un ballet, des danses d’esclaves nubiennes, d’aimées d’Égypte, s’exécutent devant la cour. La musique de ce divertissement est fort jolie, surtout le motif qui accompagne le pas des esclaves nubiennes, qui est original. La chanson que le poète Iopas chante sur l’ordre de la reine est une mélodie un peu tourmentée, mais d’un accent touchant et vrai. Après ce chant, Énée s’approche de Didon en lui disant un mot galant. « Énée, lui répond la reine, daignez achever le récit commencé de votre long voyage. » Quand Énée a satisfait au désir de la reine en lui apprenant le sort de la pauvre Andromaque, elle s’écrie, en faisant un retour sur elle-même : — Ô pudeur ! — et il résulte de ce cri échappé du cœur de la reine un quintette qui est clairement écrit et qui renferme de jolis détails. — Bannissons ces tristes souvenirs, dit le héros troyen. Venez, chère Didon, respirer les soupirs de cette brise caressante. — C’est sur ces paroles que le compositeur a écrit un septuor charmant, qui est le meilleur morceau de la partition. Ce n’est, à vrai dire, qu’un grand nocturne ; mais l’effet n’en est pas moins délicieux. Le public l’a fait répéter, et il a eu bien raison. Cette scène de rêverie, que M. Berlioz a rendue avec un si rare bonheur, doit le convaincre que la vérité dramatique n’est pas incompatible avec la belle musique, et que le problème de l’art sera toujours de réunir ces deux élémens dans un ensemble harmonieux. Le duo qui suit, entre Énée et Didon, a l’inconvénient de répéter le motif du septuor qu’on vient d’entendre. Ce duo est joli cependant, mais trop long, et d’un style élégiaque qui ne convient guère aux deux grands personnages qui le chantent. C’est en général le défaut de toute la partition des Troyens.
Au troisième acte, on voit les Troyens au bord de la mer, qui se disposent à quitter Carthage pour suivre la destinée qui les pousse en Italie. Toutes les scènes de soldats sont manquées, et on ne peut même s’arrêter au récitatif informe ni à l’air que chante Énée d’un ton héroïquement vulgaire. À part un petit chant du matelot Hylas, il n’y a rien dans les deux derniers actes qu’on puisse signaler. Le morceau d’ensemble que chantent les Troyens, le duo d’Énée avec Didon, la scène horrible de la mort de la reine, tout cela révèle une imagination surmenée et d’une rare impuissance.
L’exécution des Troyens est aussi bonne que possible, si l’on songe aux difficultés que présente l’interprétation d’une telle œuvre. Mme Charton-Demeur, dont le goût pourrait être plus pur, ne se tire pas mal du rôle de Didon, où elle est obligée, dans la scène finale, de pousser des cris de