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récit, qui n’est pas autrement remarquable, on entend derrière la coulisse un chœur de rapsodes et un rhythme de marche triomphale qui célèbre la gloire de la malheureuse Cassandre. Il faut noter déjà dans cette introduction, qui ne produit qu’un effet de fantasmagorie, que le musicien n’observe pas toujours la prosodie de ses propres vers, et qu’il estropie les mots pour les faire entrer, per fas et nefas, dans ses rhythmes violens. Voyez dans la partition (page 14) comment le compositeur a traduit ces beaux vers :

Unie à la lyre troyenne,
Te porte nos pieux concerts !

La toile tombe après ce prologue, qui tient la place, dit le libretto, d’un opéra en trois actes qui avait pour sujet la prise de Troie. L’auteur a donc versifié et mis en musique tout le IVe livre de l’Énéide. Honni soit qui mal y pense !

Le premier acte nous présente une vaste salle de verdure dans le palais de Didon. Une partie du peuple, réuni dans le palais, chante la gloire de Carthage naissante et celle de la reine qui a mené à bonne fin de si grands travaux. Didon survient au milieu de cette foule enthousiaste, à qui elle adresse quelques paroles dans un récitatif informe. L’air en sol bémol qu’elle chante ensuite :

Chers Tyriens, tant de nobles travaux,


n’a aucune valeur, et c’est tout au plus si l’ensemble bruyant et confus qui termine cette scène peut être écouté sans fatigue. Il faut voir dans la partition les intervalles que le compositeur donne à réaliser à des voix aiguës chantant en chœur ! Et que dirons-nous du duo des deux sœurs ? comment le rimeur et le compositeur français a-t-il interprété ce dialogue immortel :

Anna soror, quae me suspensam insomnia terrent ?


Hélas ! rien ne peut se comparer à ce morceau si vulgaire, si mal dessiné, si tourmenté d’intonations impossibles, qu’on le prendrait pour l’œuvre d’un sourd. Il faut entendre les répliques que se font ces deux sœurs dans le. passage en mi majeur qui précède la conclusion, qui vaut un peu mieux que le reste. Passons sur un air bizarre de Iopas, poète de la cour de Didon, et sur tous ces détails explicatifs. Rien ne ressort dans cette scène décousue, où Ascagne, fils d’Énée, vient implorer la pitié de la reine. C’est un mélange de récits confus et informes qui aboutissent à un tutti formidable d’une longueur démesurée et d’une sonorité brutale. Ainsi se termine le premier acte, par un cri de guerre sauvage.

On intermède fantastique ou l’auteur a eu la prétention de peindre une chasse royale dans une forêt vierge de l’Afrique,… avec toute sorte d’incidens