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être si utile comme port de relâche en temps de paix et comme port de refuge en temps de guerre, est séparée de la mer par des bancs de sable où les navires courent grand risque d’échouer pendant les tempêtes. La barre se déplace et varie souvent ; mais, quelles qu’en soient la forme et les dimensions, elle ne cesse jamais d’être redoutable. Actuellement cette porte sous-marine du bassin s’ouvre en plein golfe de Gascogne, à 4 kilomètres en droite ligne à l’ouest du cap Ferret. Elle est assez profonde, même pour les grands navires, puisqu’elle a depuis longtemps de 7 à 8 mètres aux plus basses mers, et que deux fois par jour cette profondeur constante augmente de 3 à 5 mètres. À l’endroit le moins large, l’ouverture ménagée entre les deux bancs de sable ou mails, du nord au sud, dépasse un demi-kilomètre. Les embarcations peuvent y pénétrer facilement ; mais les véritables dangers commencent lorsque la barre est déjà franchie, et que le navire cherche à gagner l’entrée proprement dite, située à une lieue plus loin, entre le banc du Toulinguet et le banc de Matoc. En effet, au dedans de la barre, le chenal, très profond d’ailleurs, change brusquement de direction et se rejette au sud, puis au sud-est pour se reployer une seconde fois à l’entrée du bassin et se prolonger au nord vers Arcachon. Sous l’impulsion d’un vent d’ouest ou de sud-ouest, le navire passe facilement au-dessus de la barre ; mais dès qu’il est entré dans le chenal tortueux qui mène au bassin, le même vent du large qui l’a poussé heureusement entre les dangers de la passe le fait maintenant dériver à gauche sur les brisans, et, si la mer est grosse, il est infailliblement perdu. En temps calme, les embarcations engagées dans les sinuosités du chenal d’entrée ont encore à craindre un autre danger et peuvent être entraînées sur les bancs par des courans de marée qui portent alternativement vers la haute mer et vers le bassin. On se fera une idée de la violence de ces courans redoutables en apprenant que chaque marée moyenne de vive eau introduit dans le bassin une masse liquide de 336 millions de mètres cubes. Répartie d’une manière uniforme pendant les six heures du flot, cette quantité d’eau se déverserait dans la baie au taux de 155,000 mètres cubes par seconde : c’est à peu près le débit moyen du fleuve des Amazones.

En montant sur l’une des hautes dunes qui dominent l’entrée du bassin, on peut suivre facilement du regard les diverses sinuosités du chenal. À ses pieds, on voit s’étendre la nappe d’eau profonde de l’entrée, que partage en deux bras le banc d’Arguin, signalé par une ligne semi-circulaire de brisans. Au-delà, de longues crêtes parallèles d’écume blanche révèlent la position du banc de Toulinguet, qui continue en travers de l’entrée la pointe du cap Ferret. Plus