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qu’ils aient atteint les dimensions voulues. Ainsi les réservoirs sont de simples pêcheries qui n’ont rien de commun avec cet art de la pisciculture renouvelé des anciens. La différence est grande entre les gardiens des viviers landais et ces pêcheurs de la Chine qui, si nous devons en croire les voyageurs, appellent les poissons par leur nom, marquent les uns pour la reproduction, les autres pour l’engraissement, et soignent la population de leurs étangs comme nos ménagères soignent les volailles de leur basse-cour.

Les principaux réservoirs du bassin d’Arcachon sont d’anciens marais salans qu’on a transformés au moyen de quelques déblais. Les propriétaires riverains sont d’autant plus disposés à opérer ce changement que les salines leur donnent un revenu inférieur à celui de la pêche, et que d’ailleurs une saison trop pluvieuse peut faire manquer complètement la récolte. En revanche, l’exploitation des viviers n’est interrompue par aucune mauvaise année, et les dépenses sont relativement très faibles[1]. Aussi plusieurs personnes qui n’ont pas de marais salans à changer en réservoirs demandent-elles la concession de vastes fonds émergens qui bordent les chenaux de la partie méridionale du bassin, et qu’il serait facile d’endiguer. L’administration de la marine, propriétaire de tous les terrains que recouvrent les plus hautes marées d’équinoxe, refuse d’accueillir ces demandes, et pour motiver son refus elle invoque les droits des pêcheurs du littoral, intéressés à ne pas voir accaparer au profit de quelques-uns une grande partie du poisson de tout le bassin ; en même temps elle affirme, à tort ou à raison, que les réservoirs sont une cause permanente d’insalubrité pour les communes riveraines.

À l’industrie de la pêche se rattache l’élève des sangsues, qui se pratique depuis un petit nombre d’années sur une échelle considérable dans quelques mares situées près des rives du bassin. Quelque mépris que l’on tienne à honneur d’afficher pour la vie des animaux, il est certainement peu de personnes étrangères au métier qui puissent suivre sans une vive répugnance tous les détails de l’hirudiculture. Jadis on avait l’habitude de précipiter dans les marais à sangsues de malheureux chevaux écloppés, couverts de plaies et de blessures ; mais ces pauvres bêtes avaient, suivant les éleveurs de sangsues, le tort grave de se laisser périr trop tôt ; les veines ouvertes par les ventouses des annélides ne se refermaient pas, et

  1. Les marais salans d’Arcachon rapportent environ 150 francs par hectare et par an, tandis que pendant le même espace de temps un hectare de pêcherie exploité régulièrement produit 200 francs. Année moyenne, on tire des réservoirs d’Arcachon 100,000 kilogrammes de poisson, vendus 75,000 francs sur les marchés de Bordeaux. La quantité de sel récolté annuellement ne dépasse pas 400 tonnes.