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quelles que soient les modifications apportées par le progrès moderne, elles n’enlèveront point à cette région géographique les caractères distinctifs qui en font un petit monde à part, ayant une même histoire dans le passé et une même destinée dans l’avenir. La série de nos études sur le littoral de la France ne peut donc mieux se continuer que par le tableau de cette région où les dunes et la plaine, les forêts et les bruyères, les promontoires, les chenaux et les bancs de sable alternent de manière à composer un ensemble harmonieux.


I

Le bassin d’Arcachon doit évidemment sa forme présente aux mêmes agens qui, pendant le cours des siècles, ont séparé de la mer et graduellement repoussé dans l’intérieur du continent les anciennes baies de Carcans, de La Canau, de Biscarrosse, aujourd’hui changées en étangs. Les chaînes de dunes parallèles qui se dressent en barrière entre la zone lacustre du Médoc et le rivage de l’Atlantique se prolongent aussi, comme une immense digue, au-devant du bassin ; mais elles n’ont pu en fermer complètement l’entrée. Un détroit de plus de 3 kilomètres de largeur fait encore communiquer les eaux du golfe de Gascogne et celles de la petite mer d’Arcachon. Cet ancien estuaire, situé à l’issue d’une dépression profonde où coule la Leyre, la rivière la plus considérable du plateau des landes, a de tout temps renfermé une masse d’eau assez puissante pour que les courans alternatifs du flux et du reflux aient-pu maintenir une large ouverture au bassin en écrêtant sans cesse la barre qui continue le rivage des landes ; mais si les sables rejetés par les vagues n’ont pu isoler complètement l’estuaire d’Arcachon et changer cette baie d’eau salée en étang d’eau douce, ils en ont du moins considérablement déplacé l’entrée en la repoussant par degrés vers le sud. Le détroit de communication se reploie parallèlement à la mer, de manière à former un angle droit avec l’axe du bassin. Du milieu de cette grande nappe d’eau, on voit s’arrondir de toutes parts un horizon de terres, et si l’on ne savait dans quelle direction se trouve l’Océan, ce serait précisément là où il n’est pas, c’est-à-dire du côté des plages basses de l’intérieur, qu’on serait tenté de le chercher.

L’espace triangulaire que remplissent à haute marée les eaux du bassin comprend plus de 150 kilomètres carrés, et le développement des rivages dépasse 60 kilomètres. L’aspect de cette vaste étendue change à toute heure du jour, suivant les oscillations de la