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n’a point du tout une mauvaise apparence. L’ameublement en est simple ; mais on y trouve généralement deux choses qui constituent l’orgueil d’un intérieur anglais, des escaliers recouverts d’un beau tapis et des fenêtres bien claires garnies de frais rideaux. Avec les étrangers, il se montre bon et hospitalier, quoique sous une écorce rude et un peu grossière. Sa manière de vivre est extrêmement sobre ; il ne mange jamais de viande qu’aux jours de grandes fêtes. On peut se faire une idée de la cuisine des mineurs, même sans entrer chez eux. Dans les hangars de la mine de Dolcoath, il est une salle où les ouvriers font sécher leurs habits et cuire leur dîner dans un four. Ce dîner consiste dans un pâté de navets, turnip pic, ou un peu de farine et de raisins de Corinthe délayés ensemble et que l’on dore ensuite au moyen d’une plaque de fer chaud. Le long des côtes, les mineurs ajoutent à cet ordinaire si frugal quelques poissons. Ayant vu de sang-froid la mine et ses horreurs, ils ne tremblent point devant la mer. Montés sur de frêles barques, ils vont pêcher eux-mêmes leur provision d’hiver. Ils salent ce poisson, — le plus souvent de grandes anguilles de mer, — et le suspendent au plafond pour le faire sécher : c’est le jambon de ces cottages[1]. Avec tout cela, ils sont assez contens de leur sort. Si leur régime est austère, ils ont peu de besoins, et puis ils jouissent d’un avantage inestimable à leurs yeux, l’indépendance. Dormant peu, occupés le plus souvent aux heures de nuit, ils se promènent durant la journée seuls ou avec leurs femmes ; on les prendrait volontiers pour des artistes. Payés d’après ce qu’ils font, ayant un contrat qui détermine la nature et l’étendue du travail, ils ne reconnaissent guère d’autre maître que leur devoir. Veulent-ils émigrer, le monde entier leur est ouvert. En Californie, en Australie, dans la Nouvelle-Zélande, partout où il y a des mines, on rencontre des mineurs de la Cornouaille. Au moment de la fièvre d’or, la ville de Camborne se trouva tout à coup presque déserte ; on fut obligé de faire venir des ouvriers de l’Irlande. Si d’ailleurs le travail seul enrichit peu le mineur, il n’en est plus du tout de même du travail associé à la spéculation. Les grandes fortunes de la Cornouaille sont très souvent sorties du fond des mines, et plus d’un ancien ouvrier est aujourd’hui un riche propriétaire.

On connaîtrait mal la vie des mineurs, si l’on ne s’occupait aussi de leurs femmes. Les filles, ainsi que les garçons, entrent dans les ateliers à la fleur de l’âge. Leur tâche est, on l’a vu, de casser et de préparer le minerai. L’exercice du marteau et du râteau élargit

  1. Dans les environs de Saint-Just, quelques mineurs ont encore recours a un autre moyen pour accroître leur bien-être domestique : ils louent une vache ou la moitié d’une vache, c’est-à-dire que le lait de la bête se divise entre deux familles, qui la traient alternativement.