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couvert de genêts épineux et de bruyères. Comme les bruyères étaient en fleur et les genêts tout parsemés d’or, je ne me plaignis point de l’infertilité du sol, et puis la mer se découvre à une certaine distance dans toute sa grandeur. Tout à coup sur la sombre commune s’entr’ouvre un abîme devant lequel on s’arrête stupéfait. L’origine de cette prodigieuse excavation, ayant au moins un mille de circonférence et plus de cent cinquante pieds de profondeur, a été attribuée par les ignorans à l’intervention du diable, par les érudits aux Romains ou aux Anglo-Saxons. Ce n’est point une mine proprement dite, c’est une carrière, une fosse à ciel ouvert ; les ouvriers sont des streamers, c’est-à-dire des hommes qui obtiennent l’étain en lavant les dépôts formés par la désagrégation des roches primitives. L’intérieur de cet abîme, dont la blancheur grisâtre contraste avec la couleur de la bruyère et avec la surface brune des landes qui l’environnent, met à nu des masses de granit ; mais c’est un granit ramolli et décomposé par certaines influences qui ne sont pas encore très connues. Le long des flancs du précipice courent à divers étages des sentiers étroits sur lesquels montent ou descendent les ouvriers, tandis que d’autres fouillent l’épaisseur des roches pour y trouver le métal. De distance en distance s’élèvent aussi dans ces profondeurs des roues, des tramways, des conduits en bois remplis d’eau. Ces roues font mouvoir des marteaux qui broient le minerai ; l’eau coule et entraîne cette matière pulvérisée dans des réservoirs où l’étain se sépare du granit. Le métal ainsi purifié et reposé forme sous l’eau des couches que l’on pêche ensuite avec la bêche. Des quantités très considérables d’étain ont été extraites, depuis des siècles par ces procédés si simples. Les ouvriers se plaignent néanmoins que la mine ne veut plus donner autant qu’elle donnait autrefois ; aussi plusieurs d’entre eux ont-ils tourné leurs regards vers un autre ordre de produits.

Dans la même excavation, mais de l’autre côté de la carrière et en face des travaux d’étain (tin works), un torrent d’abord jaunâtre, qui change bientôt de couleur et devient d’une blancheur de lait, descend entre les anfractuosités d’un rocher. Des hommes armés de bêches nourrissent ce torrent en y jetant des pelletées de terre blanche. Après avoir ainsi coulé jusqu’au fond de l’abîme, qu’il traverse en courant, le ruisseau disparaît tout à coup sous une voûte. On le croirait perdu ; mais il est facile de le retrouver : il suffit pour cela de faire cinq ou six cents pas sur la bruyère et de se diriger vers un nouveau théâtre de travaux. Là le ruisseau blanc reparaît, et il est reçu dans des réservoirs ou des citernes. Le liquide laiteux, en restant immobile, dépose au fond de ces réservoirs une sorte de crème au-dessus de laquelle flotte une couche d’eau parfaitement limpide et bleuâtre. L’action du vent et du soleil