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d’art, les roches schisteuses ou ardoisières, ce qu’on appelle ici la pierre-verte (greenstone), les elvans, excellentes pierres à bâtir, ont tour à tour fourni de nombreux et solides matériaux aux habitations de l’homme. Les maisons bâties avec ces pierres de couleurs variées forment dans les villes et les villages des groupes intéressans. Quelques-unes de ces maisons sont construites avec goût ; d’autres se montrent au contraire, comme on dit, faites de pièces et de morceaux. Ce ne sont point après tout les moins curieuses : là l’industrie humaine s’est contentée de réunir des pierres irrégulières et à peine dégrossies, puis de les lier au moyen d’un ciment fait avec de la terre de porcelaine. Ces lignes blanches courent entre les masses sombres, et forment ainsi comme les caractères d’un alphabet mystérieux sur la façade rugueuse des cottages. À mesure qu’on avance vers le Land’s End, on rencontre le granit. Cette pierre royale ne coûte, dans certains endroits, que la peine de la ramasser. On doit donc s’attendre à voir les plus humbles chaumières et jusqu’aux huttes à cochons construites avec les massifs débris d’une telle roche cyclopéenne. Les maisons de brique, à Londres une nécessité du sol, ne figurent là que comme les fantaisies d’hommes riches qui tiennent à se distinguer de la foule. Le granit a en effet dans la Cornouaille le tort d’être trop commun : au lieu de se montrer fier de la beauté de cette roche, dont le grain serré et les paillettes de mica étincellent au soleil, on la dissimule trop souvent sous un ignoble badigeon. Une des qualités de la pierre est dans tous les cas, on le devine, de communiquer aux habitations un caractère de solidité formidable. À Saint-Just et dans d’autres villes, les épaisses cheminées ont sur les toits des airs de bastion, et il fallait cela pour résister aux bourrasques de la mer. Ces maisons durent des siècles, et il n’est pas rare de rencontrer dans l’intérieur des vieillards qui se souviennent que leur père et leur grand-père ont vu le jour et sont morts sous le même toit hospitalier. Le granit n’exerce-t-il point non plus une influence sur la manière de bâtir et sur le style architectural ? Étant par lui-même une roche sévère, dure et rebelle au ciseau, il devait naturellement engendrer dans les beaux-arts un caractère de grandeur et de simplicité : tels sont en effet les traits qu’on remarque à Penzance dans l’architecture des maisons riches.

Le climat a été aussi consulté par les architectes. Les naturalistes ont découvert dans ces derniers temps que le tégument des animaux était en grande partie déterminé par les conditions du milieu extérieur dans lequel ils vivent. En serait-il ainsi, jusqu’à un certain point, pour le revêtement externe des maisons ? Avant même de toucher le sol de la Cornouaille, on est fort étonné de