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de solidité inébranlable. Là demeure une famille, le plus souvent nombreuse, au sein de laquelle s’échelonnent tous les âges de l’humanité, depuis l’aïeul jusqu’au nouveau-né dans les bras de sa mère. Leur manière de vivre est extrêmement simple ; les domestiques et les ouvriers de la ferme mangent à la même table avec la famille du fermier. Cette table est très frugale : de la viande ou du poisson salé, des dumplings[1], du gruau, mais surtout des pommes de terre bouillies, en font généralement tous les frais. Les fermiers, ainsi que les laboureurs, ne boivent que de l’eau ou du thé, si ce n’est peut-être à l’époque de la moisson, où ils se permettent un peu de bière. À côté de cela, on est surpris de trouver dans de tels intérieurs un grand air d’aisance et de propreté délicate. Les fils ont très souvent reçu de l’éducation ; les filles, alertes et coquettes, font aux étrangers les honneurs de la maison avec une modestie qui n’a rien de gauche ni d’emprunté. On peut dire dans un certain sens qu’il n’y a plus de paysans. Les modes de Londres se retrouvent dans les plus humbles métairies. Ne s’est-on point moqué des tableaux et des dessus de porte où les bergères du dernier siècle gardent leurs troupeaux habillées avec des robes à paniers ? Eh bien ! j’ai vu traire les vaches dans la Cornouaille par des jeunes filles aux mêmes contours artificiels ; les cerceaux d’acier à la mode avaient seulement remplacé les anciens paniers sous leur jupe flottante. Toute cette toilette ne les empêche point de se livrer bravement au travail. Dans quelques-unes de ces fermes, on engraisse à la fois jusqu’à trente et quarante bœufs ; il faut surveiller en même temps les étables, la basse-cour et la laiterie. Il est vrai que les machines font aussi une grande partie de l’ouvrage et viennent au secours des bras industrieux : il y en a pour battre le grain, pour couper la paille, pour émonder l’orge ou l’avoine, et pour préparer la nourriture des bestiaux. La force motrice qui donne la vie à ces instrumens de travail est le plus souvent une chute d’eau. Cette eau babillarde agite une grande roue (water-wheel), située à côté des ateliers de la ferme, et qui, en tournant, fait agir tout le reste.

Dans tous les pays, deux circonstances ont influé d’une manière très notable sur l’architecture des maisons, le caractère géologique de la contrée et le climat. Quant au caractère géologique, la Cornouaille repose sur d’antiques roches siluriennes et devoniennes, qui déchirent dans plus d’un endroit la surface du sol et qui offrent à l’industrie des carrières de pierre en quelque sorte inépuisables. Le calcaire grossier, qu’on ne trouve guère qu’à Plymouth et aux environs, le porphyre, dont on se sert surtout pour les ouvrages

  1. Boules de farine délayées avec du lait et cuites dans l’eau.