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Les Anglais se proposent surtout, dans leur agriculture, deux genres de produits, le pain et la viande. C’est naturellement aux prairies qu’ils demandent le moyen d’élever les bêtes à cornes. Malgré une surface couverte en grande partie par les rochers et par les bruyères, la Cornouaille possède des vallées fertiles, merveilleusement abritées et arrosées par de petites rivières qui présentent un caractère étrange. Comme elles sont presque toutes soumises au flux et au reflux, de la mer, elles revêtent un aspect tout différent selon l’heure de la journée à laquelle on les envisage. Il y a des momens où elles semblent absolument évanouies ; du frais courant d’eau qu’on a rencontré le matin, il ne reste plus qu’un lit de sable humide et boueux. J’ai vu des chevaux libres traverser alors comme par défi ces rivières à sec et brouter les brins d’herbe qui croissent, — on le dirait, — entre deux marées. Dans les prairies qui avoisinent de tels cours d’eau capricieux, on rencontre volontiers les vaches à cornes très courtes du Durham, les belles races du Devonshire aux formes gracieuses et symétriques, mais surtout la petite espèce de la Cornouaille, qui, étant après tout mieux adaptée aux conditions du climat et à la nature des pâturages, fournit un lait abondant et renommé. C’est avec ce lait qu’on fait dans l’intérieur des fermes la célèbre crème connue sous le nom de clolled cream, dont on prétend, à tort ou à raison, que le prince de Galles conserve un souvenir délicieux parmi ses autres souvenirs d’enfance. Côte à côte avec les bêtes à cornes paissent tranquillement le cheval trapu des Wales, dont on se sert pour tirer les lourds chariots, et le petit cheval gris, originaire de la Cornouaille, qui, croisé avec des étalons pur sang, se livre aux travaux plus légers ; mais ce qui m’étonna davantage fut de trouver au milieu de cet enclos de verdure de gros moutons rouges dont la vue me fit songer aux moutons de Candide dans le pays d’Eldorado. Je crus d’abord que cette couleur provenait de la teinte ferrugineuse des terres sur lesquelles ils vivent ; mais j’appris plus tard que c’était le résultat d’un procédé artificiel destiné à les préserver contre les insectes qui s’attachent à la laine des brebis.

Les fermes sont généralement peu étendues, surtout si on les compare à celles qui existent dans d’autres comtés de l’Angleterre. Une partie des terres se trouve entre les mains d’une respectable classe de fermiers qui les ont louées pour trois vies d’homme, et dont le bail se renouvelle ordinairement à perpétuité. Ce système est néanmoins en grande décadence, et la plupart des fermes se confient aujourd’hui pour sept ou quatorze ans. Les bâtimens, construits en larges pierres dont la contexture varie selon le caractère géologique du district, se distinguent dans tous les cas par un air