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La culture, qui s’est partout modelée sur les lois de la température et du climat, devait évidemment tirer avantage des hivers doux et des printemps hâtifs de la Cornouaille. Elle s’est donc surtout attachée à ce que nous appelons les primeurs. Depuis Noël jusqu’au commencement de mai, elle envoie par le chemin de fer au marché de Covent-Garden des végétaux précoces qui se vendent naturellement un bon prix. Londres a de la sorte sur les côtes de l’ouest son potager d’hiver. À côté des somptueux jardins, consacrés surtout à la science et à l’agrément, s’élèvent en Cornouaille d’autres jardins qui ont plutôt en vue l’utilité. Il existe dans presque toutes les villes une société d’horticulture (cottage gardening society) qui, comme son nom l’indique, se propose d’encourager autour des chaumières la pratique du jardinage. Tous les ans ont lieu une exposition et un concours à la suite desquels un jury décerne solennellement des médailles aux fleurs, aux légumes et aux fruits les plus dignes. J’ai assisté à plusieurs de ces exhibitions intéressantes, qui ont tout à fait le caractère de fêtes champêtres. Il faut que l’exposant ait cultivé lui-même ses produits, et j’ai vu à Tavistock (sur la lisière du Devon et de la Cornouaille) un magnifique bouquet qui avait seulement le tort grave d’être frauduleux. Fiez-vous donc ensuite à l’innocence des fleurs ! Un placard annonçait que l’exposant était rayé de la liste des prix pour s’être attribué le travail et le mérite d’un autre. J’ai admiré aussi dans les corbeilles des fruits qui auraient fait honneur aux climats les plus fortunés : s’ils avaient un défaut à mes yeux, c’était en quelque sorte celui d’être trop beaux ; on les aurait pris volontiers pour des fruits artificiels. Ces institutions, auxquelles les femmes prennent dans certains endroits un intérêt particulier, rendent très certainement de grands services. L’horticulture pratiquée avec émulation ajoute ainsi beaucoup au bien-être et aux ornemens de la vie domestique dans les intérieurs d’ouvriers. Quelques-unes de ces sociétés ne se bornent point à répandre les bienfaits et le goût du jardinage dans toutes les classes, elles emploient en outre leur influence à obtenir pour les travailleurs des morceaux de terre, ce qui est souvent très difficile dans l’intérieur ou même dans le voisinage des villes.

La Cornouaille est le pays des fleurs, et au milieu de toutes ces fleurs on ne s’étonnera point de rencontrer l’abeille. La plupart des ruches sont grossièrement construites au moyen d’une botte de paille serrée par la tête ; mais il faut croire que l’insecte se soucie assez peu de la beauté extérieure de son logis, car il s’y attache avec fidélité. J’ai rencontré plusieurs de ces ruches dans le jardin d’un gentleman qui est quaker. Cette secte vénérable professe une sorte de bienveillance universelle qui s’étend à tous les animaux de la