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Il appuya jusqu’à la fin, de ses conseils, de son influence et de sa parole, le ministère présidé par M. Guizot. Ce qu’il avait fait à l’intérieur pour les fortifications de Paris et la régence, il le fit pour les questions extérieures du Maroc et des mariages espagnols. Les bandes indisciplinées du Maroc ayant inquiété sur leurs frontières de l’ouest nos possessions d’Afrique, le gouvernement envoya contre cette puissance barbare une armée de terre et de mer. Pendant que le maréchal Bugeaud gagnait sur terre la bataille de l’Isly, M. le prince de Joinville bombardait par mer Tanger et Mogador, malgré l’attitude menaçante des Anglais, qui semblaient se regarder comme attaqués dans les ports de leur allié. Le but une fois atteint, le ministère fit la paix, et l’expérience à prouvé qu’il l’avait faite à propos, car depuis cette époque le Maroc n’a plus commis aucune agression contre nous. Quant aux mariages espagnols, on n’imaginerait pas aujourd’hui qu’il fût possible de contester les avantages d’une alliance qui, en écartant du trône d’Espagne le candidat présenté par l’Angleterre et en rapprochant par un nouveau lien les deux maisons régnantes, assurait à la France l’amitié de la Péninsule. Que l’Angleterre s’en soit alarmée, on le comprend à la rigueur; mais que les colères anglaises aient trouvé en France de nombreux échos, c’est ce qui se comprend beaucoup moins. Dans l’un et l’autre cas, M. le duc de Broglie s’associa cordialement à la politique suivie et repoussa des attaques injustes.

Pendant le ministère du 11 octobre, la puissante organisation des sociétés secrètes avait forcé le gouvernement à proposer une loi sévère sur les associations. L’emploi de cette arme de guerre avait coûté beaucoup à M. le duc de Broglie, qui s’en était expliqué avec une tristesse patriotique. La sanglante insurrection de Lyon ne tarda point à montrer qu’on avait frappé juste. En réclamant un pouvoir qu’il regardait lui-même comme exceptionnel, le ministère l’avait restreint à la stricte nécessité; il s’était engagé à n’en faire aucune application aux réunions religieuses. Cette interprétation ne reposant pas sur un texte formel, la cour de cassation déclara la loi applicable à toute espèce d’association, et l’administration se crut autorisée à en faire usage contre des réunions, de prières. Le consistoire de l’église réformée de Niort réclama par une pétition à la chambre des pairs. M. le duc de Broglie l’appuya; il rappela la distinction établie, lors de la discussion de la loi, entre les associations proprement dites et les simples réunions, et puisque la jurisprudence de la cour de cassation n’admettait pas cette différence, il demanda une loi spéciale qui garantît la liberté des cultes. « Je ne crois pas, dit-il, que, quand l’article 5 de la charte a dit que chacun en France professait librement sa religion, on ait entendu dire que chacun professait librement le culte qu’il lui était permis de professer. Nous