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parti que j’ai pris à cette époque. J’ai fait ce qui m’a paru juste et nécessaire. Si je me suis trompé, je me trompe encore; mais ce qu’il en coûte en pareil cas de combats intérieurs et d’anxiété, Dieu seul le sait. Je le remercie de les avoir épargnés, à l’âme la mieux faite pour en être douloureusement éprouvée. »

Ces hésitations secrètes ne parurent pas dans sa conduite extérieure. Son parti une fois pris, il l’exécuta avec cette résolution calme qu’il a toujours montrée dans les momens difficiles. Le 27 et le 28 juillet, il fut le seul membre de la chambre des pairs qui assistât aux réunions des députés pour protester contre les ordonnances ; le 29, il fut nommé ministre de l’intérieur par la commission municipale qui siégeait à l’Hôtel de Ville; le 30, il fut appelé des premiers auprès de M. le duc d’Orléans à son arrivée à Paris. Il prit part à toutes les délibérations décisives, tandis que Charles X était encore à Saint-Cloud, à Versailles, à Rambouillet, et exposa sa tête plus que personne.


II

Ce n’est pas après l’événement, c’est au milieu même de la lutte et en quelque sorte sur les barricades qu’a commencé le dissentiment qui devait remplir tout le règne de Louis-Philippe et aboutir à la catastrophe de février. Pour une partie, et, il faut le dire, pour la plus grande partie des combattans de juillet, c’était le principe absolu de la souveraineté du peuple qui devait l’emporter avec toutes ses conséquences; pour d’autres, en plus petit nombre, et en particulier pour M. le duc de Broglie, il s’agissait au contraire de renfermer la résistance aux ordonnances dans les plus étroites limites possibles, et de faire la révolution la moins révolutionnaire. Ce sont ces derniers qui, pour éviter l’anarchie qu’ils redoutaient, voulurent que la charte nouvelle fut bâclée en quelques heures, comme on l’a dit plus tard, et que le premier prince du sang après l’héritier direct fût immédiatement appelé au trône. M. le duc de Broglie rédigea lui-même la formule de la déclaration, afin de lui ôter autant que possible tout caractère électif. Lui et ses amis firent plus encore : ils refusèrent de soumettre la désignation du nouveau roi aux assemblées primaires. Eurent-ils tort? eurent-ils raison? L’approbation des assemblées primaires n’eût pas fait la moindre difficulté ; mais, précisément à cause de cette certitude, il répugnait à des hommes sincères d’y avoir recours. M. le duc de Broglie eut l’occasion de s’en expliquer quelque temps après. « Les convocations d’assemblées primaires, dit-il, les registres ouverts dans les municipalités, ce sont de méchantes farces, de ridicules simagrées;