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germes l’éducation publique, de faire pénétrer le soupçon, la surveillance, l’espionnage jusque dans le sein des familles, ils ont raison de craindre non-seulement l’exemple de l’Espagne, mais le contact de la moindre étincelle de liberté qui viendrait à s’allumer quelque part; mais, si leur dessein est de respecter religieusement la constitution qui nous régit, de cultiver au profit de nos institutions ce goût de l’ordre, cet instinct de conservation et de repos qui domine parmi nous, de laisser ou plutôt de rendre à l’opinion son empire, à la sûreté individuelle ses garanties, aux élections leur indépendance, à la justice sa généreuse impartialité, ils n’ont rien à redouter de la constitution des cortès. S’ils tremblent devant elle, c’est leur propre condamnation qu’ils prononcent. »

Tout ce discours est d’une grande éloquence. Les gouvernemens coalisés voulaient faire prévaloir ce principe, que les rois seuls avaient des droits et que les peuples n’en avaient pas; l’âme indignée de l’orateur protestait contre cette théorie tyrannique. « Quoi! le pouvoir de donner aux peuples des institutions politiques, de les détruire, de les refuser, réside perpétuellement et exclusivement dans les rois! Un roi est le maître en tout temps, et par sa seule volonté, d’abolir le droit public de son pays, d’en substituer un autre ou de n’en substituer aucun! Le roi d’Espagne, rentrant dans ses états après cinq ans d’exil, s’empare du pouvoir absolu et soumet au joug, le plus humiliant le peuple qui a délivré l’Europe; il fait bien : nulle voix parmi les souverains ne s’élève pour le contredire, il reçoit même de toutes parts des félicitations et des éloges! Ce pouvoir périt dans ses mains par ses propres fautes ; aussitôt grande rumeur : il faut que l’Europe s’arme pour le lui restituer dans sa pureté et sa plénitude! Quelque usage que ses conseillers en fassent, à quelque excès qu’ils se portent, de quelques inepties ou de quelques violences qu’ils se rendent coupables, ils n’en seront responsables qu’à Dieu, et si la nation espagnole, ruinée, persécutée, réduite aux abois, poussée au désespoir, se relève enfin, et sans attenter à la personne de son roi, sans porter atteinte à ses droits héréditaires, invoque et consacre un nouvel ordre de choses, cette nation ne sera plus qu’un assemblage de bandits qu’il faudra châtier et museler de nouveau ! Le droit de résistance à la tyrannie a donc disparu de la terre?... Les plus beaux souvenirs de la race humaine se rattachent à ces époques glorieuses où les peuples qui ont civilisé le monde ont brisé leurs fers, attesté leur grandeur morale, et laissé à la postérité de magnifiques exemples de liberté et de vertu. Les plus belles pages de l’histoire sont consacrées à célébrer les généreux citoyens qui ont affranchi leur pays. Et lorsqu’on songe que ce sont ces mêmes cabinets que nous avons vus pendant trente ans si