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Le temps lui a donné satisfaction. Le principe du renouvellement intégral, introduit quatre ans après par M. de Villèle, fait encore partie de nos lois. Un autre passage de son discours; bon à relire aujourd’hui, traite du nombre des députés. D’après la loi de 1817, la chambre ne comptait que 258 membres; le gouvernement proposait de les porter à 430, et ce nombre, un peu accru, s’est maintenu jusqu’en 1848. La république, poussant en tout les choses à l’extrême, a eu le malheur de le doubler, ce qui a amené des assemblées tumultueuses, et aujourd’hui on l’a réduit à 283, c’est-à-dire à la moitié environ de ce qu’il devrait être d’après les principes posés en 1820. Toutes les objections présentées alors contre une chambre trop peu nombreuse trouvent donc encore aujourd’hui à s’appliquer.

Cependant la réaction royaliste suivait son cours, la guerre d’Espagne était décidée. Ferdinand VII avait été forcé par ses sujets insurgés d’accepter une constitution; le gouvernement français, poussé par l’Europe, allait rétablir par les armes le pouvoir absolu, ou, comme disaient les Espagnols, le roi tout net. Cette fois M. le duc de Broglie prit décidément parti pour l’opposition. Il commença par faire justice de ce pitoyable argument qui consiste à invoquer comme absolu le droit de paix et de guerre que toutes les constitutions donnent au prince ; les ministres eux-mêmes, après avoir un moment élevé cette prétention, y renonçaient. « Maintenant, dit-il, ce terrain est abandonné d’un commun aveu. Cette misérable fin de non-recevoir est délaissée comme elle mérite de l’être. Nui n’a entrepris de se retrancher derrière cet abri malencontreux, ni de nous persuader que nos attributions se bornent à envisager la loi proposée sous un point de vue purement financier. Ainsi voilà qui est compris et réglé. J’en prends acte pour l’avenir. Non, nous ne sommes pas réunis ici pour subir la guerre chaque fois qu’il plaît au gouvernement de nous l’imposer. Non, nous ne sommes pas réunis ici pour livrer des hommes, pour voter des impôts, stupidement, sans délibérer, comme des exacteurs ou des recruteurs. »

Entrant dans le fond de la question, il n’avait pas de peine à prouver que la guerre projetée portait atteinte au principe de l’indépendance des nations. On prétendait que la contagion morale d’une révolution si voisine avait du danger pour la France; mais ce danger n’existait qu’autant que le gouvernement manquerait à ses devoirs. « Sans doute, si la volonté de ceux qui disposent de nos destinées est de traiter les Français comme l’Autriche traite ses sujets italiens, s’ils se proposent d’ouvrir les cachots pour les meilleurs citoyens, d’étouffer toute indépendance dans les opinions, dans le langage et dans les démarches, de détruire dans ses premiers