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Le premier discours reproduit remonte à 1819; il roule sur un sujet qui est plus que jamais de circonstance, puisqu’il s’agit de la liberté de la presse. Ce discours n’est pas le premier que l’auteur ait prononcé sur cette question, et celui qu’il avait fait l’année précédente à propos d’une loi qui fut rejetée aurait ouvert la série avec encore plus d’intérêt peut-être. Après quarante-cinq ans écoulés, on ne peut voir sans une curiosité douloureuse ce que les amis du gouvernement et le gouvernement lui-même pensaient en 1818 de cette liberté précieuse que nous n’avons pas su conserver. « Les journaux, disait M. le duc de Broglie, ont fait pour la politique, depuis un demi-siècle, ce que l’imprimerie a fait, il y a deux cents ans, pour les sciences et les lettres : ils ont popularisé le goût et l’occupation des affaires publiques. C’est maintenant un besoin que rien ne peut remplacer. Si leur liberté a des dangers, leur servitude a plus d’inconvéniens : elle rend la liberté des autres écrits illusoire. » C’est dans cet esprit que furent conçues les lois de 1819, les premières et les meilleures qui aient réglé ce difficile sujet. M. de Broglie avait des relations intimes avec les principaux ministres, et en particulier avec le garde des sceaux, M. de Serre ; il travailla lui-même à la rédaction de ces lois de concert avec ses amis, MM. Royer-Collard et Guizot, et il fut nommé à la chambre des pairs rapporteur de la plus importante, sur la répression des crimes et délits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication. Par cette législation, toute censure préventive était abolie, et le jugement des délits commis par la voie de la presse déféré au jury comme pour les délits ordinaires ; les seules conditions imposées aux journaux étaient le dépôt d’un cautionnement qui répondît d’avance des amendes encourues et une déclaration indiquant le nom d’un éditeur responsable. Point d’autorisation préalable, point d’avertissement administratif, encore moins de suppression arbitraire; voilà où nous en étions en 1819.

L’année suivante, le ministère libéral des premières années de la restauration fut dissous; la réaction ultra-royaliste qui suivit l’assassinat du duc de Berri venait de commencer. M. de Broglie allait passer dans l’opposition. Il s’arrêta un moment pour faire un acte rare d’indépendance politique. La loi de 1817 sur les élections avait été rédigée par ses amis, et la plupart d’entre eux s’y attachaient avec obstination. L’expérience y avait cependant démontré plusieurs vices. Il eut le bon sens et la bonne foi de les reconnaître. Le plus grand de tous était le renouvellement partiel. Trois fois depuis 1817 des élections partielles avaient eu lieu, et trois fois elles avaient amené une secousse. Frappé de ces résultats, M. le duc de Broglie demandait dès 1820 le renouvellement intégral.