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le propulseur sous-marin, c’est toujours l’hélice qui agit, moteur puissant qui pénètre l’air ou l’eau comme une vis pénètre le bois en refoulant le fluide qui s’oppose à son mouvement de progression. L’eau sans doute est très mobile; l’air a moins de consistance encore. La palette du moteur, si elle est animée d’une vitesse suffisante, y trouve cependant un point d’appui comme sur un corps solide. L’hélice fut connue de toute antiquité. La vis d’Archimède est une hélice qui pourrait, comme le levier, remuer le monde à la condition de trouver un point d’appui résistant. Dès 1752, Bernouilli proposait de l’employer à la propulsion des navires, idée prématurée qui ne pouvait être réalisée qu’un siècle plus tard. Vers le même temps, Euler perfectionnait la turbine ou roue hydraulique horizontale, qui est encore une hélice; mais il n’y a guère que trente ans que cet organe est devenu d’un usage général. La préférence que les ingénieurs lui accordent aujourd’hui sur les roués à aubes et les autres engins de même espèce s’explique aisément, car on a reconnu qu’il n’en est pas qui permette d’utiliser plus complètement les forces naturelles ou artificielles dont on dispose. En d’autres termes, l’hélice est le moteur qui produit la plus grande quantité de travail utile et consomme le moins de force vive dans les frottemens et les résistances intérieures de la machine.

On se souvient peut-être d’un jouet d’enfant, le spiralifère, qui fit fureur en son temps et qui se composait de petites ailes montées sur un axe auquel on imprimait un mouvement de rotation par le moyen d’un ressort de montre ou d’une corde de toupie. Lorsque les ailettes tournaient rapidement, ce petit appareil s’élevait en l’air et s’y soutenait aussi longtemps que la force de rotation agissait. Au lieu d’ailes de petite dimension, que l’on prenne des ailes d’une vaste envergure; au lieu d’imprimer à l’axe un mouvement de rotation peu durable, qu’on y adapte une machine à vapeur qui agira sans cesse : on aura l’aéronef, l’hélicoptère, que MM. de Ponton d’Amécourt et de La Landelle viennent de présenter comme une solution infaillible de la navigation aérienne.

Si le principe est simple, l’application présente quelques difficultés que peu de mots suffiront pour faire comprendre. L’aile de l’hélice qui est inclinée frappe l’air obliquement et produit deux mouvemens, l’un vertical de bas en haut, qui est l’effet utile, l’autre horizontal en rotation autour de l’axe. Ce dernier mouvement est la part perdue dans le travail total de l’appareil, et non-seulement c’est une force perdue, mais encore il faut détruire le mouvement de rotation que l’aéronef en recevrait. Le remède est bien simple : il consiste à employer deux hélices qui sont placées l’une au-dessus de l’autre et tournent en sens inverse, l’une de gauche à droite et