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Enfin on a songé à employer une machine spéciale, roue à palettes, rames, pu toute autre qu’on peut imaginer, pour favoriser ou neutraliser alternativement, suivant les besoins, le mouvement ascendant du ballon. En 1847, le docteur Van-Hecke soumettait à l’approbation de l’Académie des Sciences un projet de ce genre dans lequel il faisait usage d’une hélice (l’application de l’hélice aux aérostats n’est donc pas nouvelle). On peut imaginer bien des dispositions de même nature, qui trouveraient une justification dans leur analogie avec la queue des oiseaux et des poissons. Ces idées sont-elles praticables ? Elles n’ont été, paraît-il, expérimentées que sur une petite échelle, et soulèvent une grave objection. Il faut un moteur à ces machines. Eu égard à la force considérable qu’il faut déployer, les bras de l’équipage seraient insuffisans ; il y aurait donc nécessité d’emporter avec soi un moteur inanimé, une machine à vapeur par exemple. Qu’on ne s’effraie pas trop à cette idée ; il sera aisé de montrer que, pour d’autres motifs, le progrès de l’art aérostatique n’est possible qu’à cette condition.

Sauf la vapeur, dont la puissance peut augmenter à l’infini, on n’a donc encore trouvé aucun moyen efficace pour accomplir cette première manœuvre aéronautique : monter et descendre à volonté[1]. Examinons maintenant si le mouvement horizontal du ballon est un problème d’une solution plus simple. L’analogie est grande entre la navigation horizontale dans l’air et la navigation maritime à la surface de l’Océan. De même que le bateau qui descend le cours d’un fleuve, le ballon peut se laisser entraîner par le fluide qui le porte et en partager le mouvement. De même aussi, il peut, à l’aide de moteurs artificiels, remonter le courant, si le moteur est assez puissant et que le courant ne soit pas trop fort.

Pendant plusieurs siècles, les hommes ont navigué sur l’Océan sans étudier ni connaître les vents et les courans qui pouvaient accélérer ou retarder leur voyage. On s’aperçut assez promptement que dans l’Océan-Indien il y a des vents constans à certaines époques de l’année, les moussons et les alizés, et les marins surent bientôt en profiter pour entreprendre leurs traversées dans la saison la plus favorable. Ils allaient du cap de Bonne-Espérance au Bengale en été, revenaient en hiver, évitant avec soin de tenir la mer pendant les équinoxes, époque à laquelle les deux moussons

  1. Il est à remarquer que les variations dans la température de l’atmosphère peuvent exercer quelque influence sur la position d’équilibre du ballon dans l’air. Tant que le soleil échauffe la terre, le ballon monte ; il redescend lorsque la nuit se fait. L’occultation du ciel par les nuages, la pluie et le beau temps, en un mot tout ce qui modifie la température modifie aussi la hauteur du ballon. Quoique les effets qui en résultent soient bien faibles, l’aéronaute en profitera peut-être pour atterrir ou reprendre son vol, semblable au marin qui s’éloigne du port avec le jusant et revient au rivage avec le flot.