Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/285

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

perfectionna peu à peu son invention et réussit à produire un véritable aérostat. Cette découverte ne pouvait rester ignorée. Mandé à la cour, il vint à Lisbonne avec un ballon de grande dimension et s’éleva dans les airs, devant le palais du roi, en présence de Jean V, de toute la famille royale et d’une immense foule de spectateurs. L’ascension ne devait pas être longue; Gusmao n’atteignit que la corniche du palais, où le ballon, accroché par une fausse manœuvre, s’entr’ouvrit. Le principe était découvert; il ne restait qu’à recommencer avec plus de soin une seconde expérience. L’inquisition prit ombrage de cette merveilleuse découverte et ameuta le peuple contre l’infortuné Gusmao. On l’appelait par dérision « l’homme volant. » Obligé de s’expatrier pour échapper aux persécutions et aux jalousies que suscitait son génie entreprenant, il mourut dans l’exil en 1724 sans avoir pu donner suite à ses premières tentatives et sans même en laisser le secret à ses contemporains.

L’histoire de Gusmao, qui paraît n’avoir été connue en France que dans ces dernières années, n’eut assurément aucune influence sur les recherches des frères Montgolfier. Ceux-ci, après de nombreux essais, lancèrent à Annonay, le 5 juin 1783, un aérostat qui fut en France le premier spectacle de ce genre donné au public. La montgolfière se composait d’un globe en taffetas et papier verni qui portait une ouverture à sa partie inférieure. A une petite distance au-dessous était suspendu un panier en fil métallique où l’on plaçait le combustible, paille hachée ou papier. Le ballon se remplissait d’air échauffé, qui pèse moins que l’air froid, et, allégé d’autant, s’élevait en emportant avec lui le combustible enflammé qui entretenait la puissance ascensionnelle. Cette expérience eut un grand retentissement dans toute la France. Une souscription fut ouverte à Paris pour subvenir aux frais d’une nouvelle ascension, qui fut dirigée par Charles, célèbre professeur de physique du temps. Charles eut l’idée de remplacer l’air échauffé par le gaz hydrogène, que Cavendish avait découvert quelques années auparavant; beaucoup plus léger que l’air atmosphérique, ce gaz donnait au ballon, à volume égal, une force ascensionnelle plus considérable. Le peuple suivait ces travaux avec un enthousiasme indicible et assistait en foule au départ des aérostats. Cependant on n’osait pas encore confier une vie humaine aux frêles machines qui s’élevaient dans les airs. Quelques mois plus tard, Pilatre de Rozier et le marquis d’Arlandes firent ensemble le premier voyage aérien dans un ballon à air échauffé. Ils eurent bientôt de nombreux imitateurs malgré quelques accidens, dont le plus fameux eut pour victime Pilatre de Rozier lui-même.

Les savans avaient compris dès l’origine que les ballons pouvaient